mercredi 24 février 2010

6 - Allons-y mon lapin!

Sur l'afficheur du portable à Boris, un texto de la reine nègre.

"Toit du MP! Help!"

- Merde!

Boris lâche un profond soupir, puis s'agenouille devant Olivia.

- Attends-moi ici. J'en ai pour deux minutes.

Le jour tombe. Un chat traverse la ruelle. Boris le suit le long du mur de brique qui mène sur le Boulevard des Capucins. Il jette un coup d'oeil sur le toit du Moon Palace. Désert. Le texto a été écrit il y a plus d'une heure.

- Merde!

Le lapin fait demi tour. Il empoigne doucement Olivia sous les bras, la soulève comme quand ça va pas et plante ses deux yeux de platine dans les siens.

- T'es prête?
- J' sais pas.
- Tu sais pas quoi?
- Pourquoi je devrais être prête.
- Bien sûr que tu sais.
- Peut-être bien.
- Alors?
- Allons-y, mon lapin.

Boris sort une Camel; Olivia sort son briquet. Elle l'allume; il aspire à fond. L'ombre de longues oreilles et une petite silhouette glissent le long du mur. Lentement. Déjà on sent que ça grouille autour. La noirceur attise la rapace. La faim rend louche. Malgré la chaleur suffocante, des fenêtres se ferment, des portes claquent. La chaîne d'un vélo grince et, de sa selle, un vieux clodo avec ses provisions sur le guidon racle sa gorge et crache sans sourciller. Le M phosphorescent du Moon Palace dépasse encore de l'angle du mur, puis disparaît. Nerveux, Boris jette un dernier coup d'oeil sur le boulevard. Un petit nègre sur une borne fontaine se décrotte les ongles d'orteils sous le regard louche d'un mec qui vend de fausses lunettes Armani.

Derrière la caserne, non loin de la pôle de métal, une ruelle. Et à quelques pas de là, une bouche d'égout.

- C'est le trou, papa?
- Le trou est partout.
- Mais, c'est le trou?
- C'est ce qu'on va voir.
- Allons-y, mon lapin!

De grosses mains en peluche soulève le couvercle. Olivia se glisse à l'intérieur. Les marches sont longues. Elle ne voit pas le fond. Elle hésite. Boris s'en mêle un peu, il met le pied sur la première marche.

- Attends!
- Allez! Attention à ta tête.
- Ça tourne et ça descend.

Boris prend soin de ne pas laisser ses oreilles dépasser et il referme le couvercle.

- Il fait noir.
- Allume ta lampe de poche.
- Il est où le fond?

C'est là. Juste là. Et comme il dit ça, la main d'Olivia ne se referme pas sur la marche ou plutôt elle glisse, elle dérape, son corps tombe dans un creux et son cri résonne, ce sont des volutes de sons sans concordances, des spirales stridentes qui cillent et s'allongent tout en s'évanouissant et ce ne sont pas seulement les sons qui s'évanouissent mais les membres d'Olivia et ses yeux et ses mains sur le sol dans une sorte de petit vrombissement qui laisse Boris pour le moins secoué en haut de l'échelle.

- Olivia?!

###

Pour l'histoire complète de Boris Platine, visitez son blogue ou lisez toute l'histoire sur Kaosopolis.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire