lundi 31 mai 2010

Le syndrome du caméléon


Le patron m'a convoqué. Il préférait que je me charge du boulot moi-même. Tout ce qui touche à Charly Wang pouvait nous exploser à la gueule à la moindre fuite. Je comprenais ?

Je comprenais .
Il a à peine levé la tête à mon entrée. Il parcourait l'écran de son IBM. Un nouveau joujou qu'il avait connecté au fameux roadrunner, supercalculateur qu'il partageait avec l'Agence Centrale Fédérale
- Nos gars du département de morpho-analyse sont formels. Jimmy Jones n'est autre que le fameux Joe Ghidetti.
Il s'est interrompu et a esquissé un sourire :
- "Vous vous en doutiez un peu n'est-ce pas ? Maintenant on en a la preuve. Il va falloir fusionner les deux dossiers et ajuster les époques. Bon dieu, ce type est un vrai caméléon".
Staboulov parcourait son mémo.
"Le gars apparait dans nos tablettes à l'époque où il commence à publier ses poèmes et ses nouvelles sous le nom de Jimmy Jones. Puis disparait de la circulation et réapparait en barman du Soho sous le nom de Joe Ghidetti. Il vient vous rendre une petite visite et s'intéresse à vos amis du Gulliver. Nouvelle disparition. Il revient à N.D.Lay et il reprend son nom de Jimmy Jones. Il devient l'associé de Charly Wang. Ce type est né à vingt ans et a eu pas mal de vies successives. On en rêve tous."
Un vrai caméléon. J'ai repensé au Docteur Schott . Il avait écrit un livre là-dessus. Il m'en avait parlé un jour. C'était dans une autre vie.
En écrivant cela j'ai bien conscience de jouer avec le feu. Une autre vie. Cela pousse en moi à la manière d'une grosseur suspecte.


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Lire l'intégralité de l'histoire en cliquant sous le titre sur N.D.Lay ou sur le blog Ma vie à N.D.Lay (journal de l'Ecrivain)

vendredi 14 mai 2010

9. Le bunker

Pendant que la Reine nègre rage sur un divan pourri derrière le grand écran du Moon Palace, Olivia cherche à transpercer le paroi de la piscine avec son canif suisse. Transie jusqu'au bout des doigts, elle sent une pression sous ses aisselles et du même coup, son corps s'élève, elle voit ses pieds émerger de l'eau. Elle se secoue, relève la tête.

Boris la tient à bout de bras, l'air maussade.

- Je t'avais dit que c'était glissant.
- Faisait trop noir. J'ai pas vu la marche.
- Faut faire plus attention. Une chance que j'avais installé la piscine.

La piscine en plastique tient en équilibre sur deux bordures de ciment parallèles assez larges pour une personne. Dessous s'écoule un filet d'eau brumeuse qui serpente dans un canal où s'entassent les décombres de la 3e révolution.

Que sont devenus mes amis mercenaires, les vieux potes de l'inside city: Jimmy Jones, le paperback-poète et Charly Wang, représentant du premier arrondissement de N de Lay? À quoi rime cette mascarade? Pourquoi jouer la carte des civilisés? Il faut se replier, combattre, descendre dans les égouts, reprendre le contrôle du monde du Dessous, trouver une Dounia digne d'une 4e révolution et en finir une bonne fois pour toutes avec les faux-plaisirs anesthésiant du régime de Kao.

- Ça va, lapin? dit Olivia.
- Ça va, ça va.

Boris dépose Olivia sur le rebord. Il sort une couverture de son vieux sac d'armée, l'enroule autour de la fillette.

- Le bunker est tout près. Faut faire vite, avant que t'attrapes la crève.

Il la tire par la main. Elle rouspète, geigne un peu. Boris l'attrape, la hisse sur ses épaules, jette un regard à sa montre sous sa patte de poil détrempé. Il repère un écrous, le lance à bout de bras pour déterminer la profondeur de champ. L'écho strident leur revient, long et démultiplié. Ils s'enfoncent dans l'égout sans regarder en arrière.

Olivia grelotte; Boris tousse. Une odeur rance de pourriture leur remonte au nez. Les quelques filets de lumière qui se faufilaient entre le grillage de l'égout ne suffisent plus pour s'orienter dans la noirceur. Des yeux perçants clignotent ci et là, suivis de couinements, de grattements. Notre lapin sent des prédateurs qui rôdent.

- Attrape mon portable dans la poche de côté, Olivia.

Elle tâte.

- Brosse à dent, Gau-loi-ses, briquet, corde, pas de portable, mon lapin.
- L'autre poche. Ouvre-le vite! Ça grouille de partout.

Olivia ouvre le clapet du Ericsson TM 506 qu'elle a chipé le mois dernier à un vendeur de rue (une ruse parmi d'autre pour survivre à Kaosopolis où le portable est une denrée rare).

- Ça y est!

Comme des larves agglutinées les une aux autres dans le halo bleuté du portable, une famille de rats approche en sens inverse en crachant vers le lapin et sa gamine. L'écho d'une chute d'eau se mêle à la frayeur.

- On retourne à la caserne!
- C'est trop tard, ma puce. Il faut avancer.

Olivia s'agrippe au longues oreilles de Boris tout en serrant les cuisses autour de son cou.
Boris attrape un vieux roman de S-F ratatiné - Gun with occasional music de Letham - il soupire, fait la grimace et craque une allumette.

Le livre flamboyant pousse les rats dans un cul de sac - le canal se déverse dans le vide.
Boris fait le premier pas. La vermine se jette dans le canal, s'agrippe, remonte de l'autre côté et fait demi-tour.

À gauche de l'embouchure, Boris met la main sur une porte ovale métallique. Il dépose Olivia, insère sa main droite dans une fente; une lueur verte irradie, déchiffre les lignes de sa main. Un déclic sourd se fait entendre et ils pénètrent dans un premier compartiment formant antichambre et fortement défendu par une double porte.

Contre un mur, une pile d'ouvrages politiques et philosophiques grimpe jusqu'au plafond.

- Cette fois, on est dans le trou du lapin? dit Olivia.
- J'ai bien peur que oui.
- Comment on fait pour passer de l'autre côté?
- Il faut ouvrir la porte avec cette clé.

L'index de Boris pointe un objet doré qui dépasse la pile de livres du dessus.


###Pour l'histoire complète de Boris Platine, visitez son blogue ou lisez toute l'histoire sur Kaosopolis.