dimanche 31 janvier 2010

3. Dark Lolita


Le Dark Lolita, scabreux love hotel tokyoïte situé en face du Moon Palace, à deux pas de la bibliothèque de Babel, était un lieu de désoeuvrement et de luxure pour les cadres, les intellectuels, les petits commerçants, les bons pères de famille, les rejetés, les mal-famés, les emmerdeurs, les patrons, les étudiants - toute une racaille en mal de nourriture terrestre qui cherchait un moyen de diluer la semaine entre les hanches d'une somptueuse négresse. Nul n'y entrait sans y laisser une part de son âme. Nul ne s'en repentait.

L'entrée du Dark Lolita, deux grandes portes noires glacées, débouchait sur un rideau de velours cerise volontairement kitsch. Discrétion assurée. Au-dessus, une affiche en néon clignotait comme une canne de bonbon au rythme des visites : Blanc-libre/ Rouge-occupé. Derrière le rideau, une console à écran tactile offrait deux options:

1. Si vous êtes accompagné, appuyez sur A. Indiquez la durée de votre séjour; insérez le nombre de Kao (des billets à l'effigie de la présidente Kao***) nécessaire dans la fente indiquée à cet effet; choisissez la thématique de votre chambre; appuyez sur Ok. N'oubliez pas de prendre la carte émise. Elle vous permettra d'ouvrir la porte de votre chambre: DL-17.

2. Si vous êtes seul, appuyez sur S. Choisissez l'une des demoiselles qui apparaissent à l'écran; après avoir choisi, appuyez sur son visage; attention le coût de la demoiselle peut varier selon son expérience et la couleur de ses yeux; si vous acceptez le taux horaire de la demoiselle, indiquez la durée de votre séjour; insérez le nombre de Kao nécessaire dans la fente indiquée à cet effet; choisissez la thématique de votre chambre; appuyez sur Ok. N'oubliez pas de prendre la carte émise. Elle vous permettra d'ouvrir la porte de votre chambre: DL-26. Attention! La différence entre l'image qui apparaît sur la console et celle de la demoiselle en personne peut créer une déception ou une surprise chez le client. Dark Lolita n'est pas responsable de votre choix et ne peut, d'aucune façon, vous rembourser.

À Kaosopolis, l'être le plus répugnant pouvait, avec quelques billets à l'effigie de Kao, se payer une partie de plaisir mémorable dans une chambre thématique, modifiée en jungle, en plage avec vue sur mer, en ciel étoilé, parfois avec une prison intégrée, des menottes, des fouets. On y trouvait même une chambre capitonnée, dont le plancher entièrement matelassé vibrait, tel un haut-parleur, au rythme de sons érotiques. Il fallait bien que quelque chose compense pour la misère de Kaosopolis.

Boris tenait Olivia tout près. Il ne voulait pas que les vendeurs d'organes s'approchent. Il les tenait à distance avec une moue digne d'un enfant qui dédaigne son repas. Il serrait aussi son Beretta dans la poche intérieure de son costume de lapin.

Olivia, tresses noires, yeux vert platine comme son papa, tressautait aux rythmes des enjambées de Boris qui se faisait tout d'un coup plus brusque. Une sorte de rage commençait à paraître dans le tressaillement de ses paupières. Ils allaient encore devoir passer la nuit dans le trou du lapin.

Après avoir ramassé quelques conserves et empaqueté des caleçons de rechange, Boris précéda Olivia le long de la pôle. Sa planque, quoique misérable, avait un avantage : c'était l'ancienne salle de jeux de la caserne de pompiers. Deux tables de billard, une cuisinette, un mini-bar improvisé, une table de poker et, à l'autre extrémité, un trou avec une pôle platine au milieu. La sortie d'urgence de Boris pendant la période mouvementée des 3 révolutions. En face, l'affiche néon du Moon Palace jetait en pleine nuit une douce lumière de fond de mer au milieu du désordre. Cette veilleuse compensait en partie pour les cris de jouissance qui remontait à intervalles réguliers du Dark Lolita. Boris s'y était habitué, mais il n'aimait pas qu'on casse les oreilles à sa petite. Aussi, lui avait-il confectionné une petite maison en bois, calfeutré et bien matelassé, à l'abri du son des balles et des spasmes orgiaques.

La pôle donnait sur la cour arrière. Le trou découpé autour du pôle était assez large pour un homme mince, et même un homme mince costumé en lapin, mais il ne s'agissait pas du trou du lapin. Le trou du lapin, comme aimait à le répéter Olivia, se trouvait plus bas encore et débouchait beaucoup plus loin, à l'abri des regards, des sons. C'était le repère des coquerelles et le royaume de la boîte de conserve. Il était grand temps de s'y réfugier avant que la nuit ne tombe à nouveau.

Boris précéda donc Olivia sur la pôle, puis elle le suivit. En attrapant la gamine, son cellulaire tomba de sa poche de lapin. Ses longues oreilles traînaient au sol lorsqu'il réalisa qu'il avait manqué un appel...


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samedi 30 janvier 2010

mercredi 27 janvier 2010

Le silence des mouches


D’abord un malaise, un inconfort. Puis une sourde évidence : quelque chose ne va pas. Ou plutôt les choses ne se produisent pas comme elles devraient se produire. Le bon sens voudrait qu’à ce moment précis, dans cette pièce, le corps de Dounia frétille de mouches pondeuses, pourrisse dans un festin de larves, s’évanouisse sous des escouades de diptères agrippés à ses moindres orifices, se décline en cinq services pour une horde de convives nécrophages.

Quatre jours depuis son assassinat.

Et pourtant, le corps inerte de Dounia est là, ferme, imputrescible, ses chairs desséchées lui donnent une texture de papier froissé. Un papier froissé... cette page arrachée du Journal de Jimmy Jones. Entre mes doigts, je lis:

(…) La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.

Ce tableau dont parle Jones, je crois me rappeler… un tableau dans un sale état, le cadre rongé par les rats, un foutu vieux tableau, une lacération sur le galbe des fesses. Putain de mémoire à deux balles, où est-ce que j’ai vu cette connerie de tableau?

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mardi 26 janvier 2010

Journal de Jimmy Jones, jour 2

— T'es nouveau toi ici, non?

Sa familiarité m'énerve, mais étant le petit nouveau, je n'en fais pas un plat. On s'intéresse à moi, c'est déjà pas mal.

C'est ainsi que j'ai rencontré la secrétaire obèse et malodorante en ce deuxième matin au coeur de la C3I. Nerveux, j'arbore un sourire timide qui signifie oui; mais il veut également dire en espérant qu'elle ne me colle pas au cul.

— En passant, moi c'est Jacinthe.
— Jones. Jimmy Jones.
— Bienvenue chez nous Jimmy.
— Merci.
— As-tu tout ce qu'il te faut? Stylo, portable, netbook? Tu me le dis s'il te manque quelque chose, OK?

Finalement, Jacinthe est aux petits soins. Ferait pas de mal à une mouche.

Mon bureau est au 7e étage. Cordé en rangée parfaite de trois cubicules et faisant face à autant d'espaces de travail, ergonomiquement ajusté, mon cubicule est le premier de la rangée, adjacent à la machine à café, l'imprimante et le mini-frigo de l'étage.

Moderne, le corridor dispose d'un énorme sofa pouvant accueillir au moins cinq personnes de taille moyenne. Cinq personnes normalement constituées ou trois Jacinthe. Une console Wii est mise à la disposition des employés qui y jouent quand bon leur semble.

Même le patron, Charlie Wang, vient y faire son tour et joue une excellente partie de Wii Sports, surtout le golf. C'est du moins ce que m'a raconté Jacinthe lorsque je suis allé luncher avec elle et les collègues, hier, au Ruth's Chris Steak House.

Au-dessus du sofa géant trône une peinture tout aussi gigantesque et étrange, une inquiétante toile d'un certain Lucien Schott, germanique ou peut-être celte d'origine, c'est du moins ce que révèle l'inscription à la droite de la toile. Naissance en 1941. Lieu de résidence inconnu.

La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.

Que cette peinture ait été affichée dans le bureau de mon patron, soit, les goûts en art se discutent jusqu'à un certain point. Mais voir cette peinture chaque fois que je soulève mon train de mon siège a de quoi inquiéter. Sans parler des sourires que l'on me jette lorsqu'on aperçoit mon malaise.

Et dire que c'est la meilleure boîte, paraît-il, pour mettre en pratique mes talents.

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dimanche 24 janvier 2010

Une proposition


O' Flaherty m'a recontacté. On s'est donné rendez-vous à l'endroit habituel, le Ruth's Chris Steak House. Le responsable du département de cryptologie est arrivé avec une grosse valise. J'avais choisi une table un peu à l'écart. Il s'est assis et a jeté un oeil autour de lui, comme s'il se méfiait de quelque chose. Il a fini par se lancer.
- Tu sais que depuis quelques années, on a mis sur pied un projet de relevé systématique de tous les tags et graffitis de ce foutu bled. C'est un sacré boulot crois-moi.
J'en avais entendu parler. Le genre de projet inutile qu'affectionne l'International Spy Foundation. Je sais gardé pour moi mes réflexions. Attendre et laissé venir. Il a continué.
- Voilà pourquoi je t'ai appelé. Depuis que Charly Wang est le représentant de l'Inside City au conseil d'arrondissement, il a décidé de lessiver les murs du quartier. Je juge pas. Mais, rapport au patrimoine, c'est comme qui dirait l'Opernplatz en 1933 .
Il attigeait. L'irlandais est un habitué de la chose. C'est un grandiloquent. Mais je ne voyais pas trop où il voulait en venir. Ca finit par arriver.
-Alors voilà. Je me suis dis, comme tu habitais là et que tu avais un peu de temps devant toi, tu pourrais peut-être photographier tout ça avant que ça disparaisse.
Il a ouvert sa valise et m'a tendu l'équipement adhoc. On s'est quitté là, sans un mot. J'avais juste hoché la tête. Le soleil commençait à descendre vers l'horizon. Il me fallait rejoindre la fondation. Une longue nuit de travail m'attendait.

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samedi 23 janvier 2010

Le Baiser

Me laver. Heureusement la douche fonctionne encore et je peux me la faire gicler en plein visage pour tenter d'enligner mes pensées. Il faut penser vite, me décrasser, défaire les noeuds dans ma chevelure-spaghetti de gueuse (allez estime-toi bordel tu n'as rien d'une traînée!), me toucher aussi, on ne me touche plus, c'est lamentable.

Ce qui reste de savon: un truc brunâtre que quelques cafards s'arrachent; je laisse l'eau couler sur mon dos, au creux de mes reins et je laisse les bestioles à leur collation. J'ai en tête l'air hébété de Dounia, cette voix de baryton qui résonne en arrière-pensée (ce rire gras), puis je me rappelle un détail, insignifiant peut-être.

J'arrête la douche et je me précipite, nue, vers Dounia.

Ses viscères s'étalent en périphérie de son ventre, un sang bourgogne, presque noir, s'en déverse, et se répand à vitesse réduite et stable de part et d'autre de la victime gisante. Il lui reste, semble-t-il, un dernier souffle: «... le...».

Je me précipite à ses lèvres que j'embrasse pour leur donner une extension de vie; elle se ravive, ses yeux s'illuminent comme ceux d'un loup s'écarquillent alors qu'un véhicule utilitaire sport s'apprête à le happer.

«... le... jour...»

Ses yeux se figent, ce qui annonce son départ définitif.

Je commence à avoir froid. J'arrive trop tard.

Je détourne les yeux de son visage après avoir fermé ses paupières, mon regard se dirige vers son opulente poitrine qui montre quelques repousses de poils ici et là. Dans le soutien-gorge en dentelle noir de Doumia, quelque chose m'alerte. Un bout de page déchirée.

J'y lis Journal de Jimmy Jones, jour 2.

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jeudi 21 janvier 2010

Journal de Jimmy Jones, jour 1

J'essaie d'écrire les premières lignes de mon histoire, Jimmy Jones, employé modeste chez une Compagnie internationale importante inc. (C3I), entreprise que j'appelle "ma tanière" depuis que Charlie Wang m'a mis en contact avec son PDG, Sam Fox. Mais tout ce que je ressens en ce moment, c'est l'érection dans mon pantalon et l'incapacité patente, à moins d'une imagination débridée, d'y remédier décemment.

Un désir étrange m'envahit alors que je retrace mon périple depuis ce premier jour où j'en vins aux prises avec :
  • une secrétaire obèse et malodorante
  • un technicien en informatique soul mais sympathique
  • un vice-président grivois mais bon enfant
  • une directrice racolleuse mais sexy pour son âge
  • une lesbienne au goût d'ecstacy qui me rappelait une agente de télémarketing peu locace mais ô combien entreprenante
Tous ces personnages déambulent dans ma tête pendant que l'érection fait son chemin et tente de défaire ma braguette.

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dimanche 17 janvier 2010

Le représentant

Charly Wang a été officiellement élu représentant du premier arrondissement de N.D.Lay. Depuis, on le voit quadriller régulièrement l'Inside City, à bord de son vieux Ford pick up, accompagné de son associé Jimmy Jones .
Il y a une semaine, le propriétaire du White Swan a débarqué dans la vieille batisse en brique rouge de l'International Spy Foudation. Il m'a tendu sa carte et l'autorisation ad hoc.
J'ai eu un instant d'hésitation :

- Je vous croyais en froid avec Staboulov
- Ma misérable personne n'a que peu d'importance, voyez-vous. J'ai un grand projet pour mon quartier.

Il m'a demandé les clés du département "regards sur le monde". Une plaisanterie du grand manitou pour désigner la caverne d'Ali Baba pour qui voulait mater son prochain en toute impunité. Je n'ai pu m'empêcher de faire mon intéressant.

- Je vous croyais contre la videosurveillance ?
- Je vous croyais hôtesse d'accueil, m'a-t-il répondu en souriant.
Une chose est sûre, il est plus proche de Staboulov qu'il n'y parait. Cette idée ne me plait guère..

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samedi 16 janvier 2010

Visite guidée du Nid

Le Nid, c’était la planque de Dounia. Une planque style chambre de bonne dissimulée sous les toits du Moon.

50 mètres carré. On n’y accède que par le monte-charge, que tous croient d’ailleurs condamné depuis l’incident qui laissa, en 1979, Gigi, la fille de l’ancêtre, sans jambes. Fatalité difficile à accepter pour une gamine déjà atteinte de nanisme et d’une forme rare d’excroissance labiale. Elle tiendrait désormais une maison close à N.D Lay, avec son mari, un pied-bot bègue et tyrannique.

Le Nid, une garçonnière fantôme au cœur d’un cinéma anonyme. Un véritable blanc de mémoire architectural. INVENTAIRE : Une table boiteuse, une chaise, un frigo, un lit défait. Des amas de robes insolentes, carnavalesques, léchant des fatras de boas, de sacs en faux croco et de lunettes dépareillées. Sur le sol, des perruques. Partout. Une colonie de méduses blondes, brunes, ambrées et noires avachies aux quatre coins de la pièce.

Punaisé au mur, des dizaines de photos : quelques habitués du Moon, des chats errants, des nus sous-exposés, des autoportraits flous et… une masse informe, une sorte de lapin squelettique avec, à ses pieds, une gamine. Sous tous les angles ces deux-là. Les photos semblent avoir été prises de l’unique fenêtre du Nid, dans la salle de bain. La salle de bain… me laver, trouver un truc à porter dans ce foutoir et après, m’occuper du paquet.

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Un contrat

Mon boulot est simple.
Des types se présentent à n'importe quelle heure de la nuit. Ils me montrent leur carte d'accréditation et leur demande spéciale, tamponnée par le directeur en personne. Parfois, on échange quelques mots.
J'ai les clés de tous les départements de la fondation. Des petites clés Iseo City à billes réversibles. Le service de nuit se termine à six heures du matin. Les usagers des locaux doivent retourner la clé avant cet horaire. C'est dans le contrat. Parfois je fais quelques minutes supplémentaires.
J'ai demandé un jour à Staboulov, pourquoi dans ce lieu bourré de gadgets en tout genre, les portes s'ouvraient encore avec des clés
. Le grand Sachem m'a regardé d'un air surpris :
- Mon petit vieux, vous croyez vraiment que tous ces salamalecs servent à quelque chose. Chacun de vos visiteurs a son empreinte rétinienne dans la bécane centrale. Un coup de scanner à l'entrée de chaque département et le tour est joué. Il y a un foutu bail qu'il n'y a plus de serrures à nos portes. Vous savez, nos clients passent parfois des jours entiers sans rencontrer qui que ce soit. Vous êtes une sorte d'hôtesse d'accueil, payé pour être là et taper un peu la causette si le type le désire.
Je hochai la tête. Que je fusse payé pour ma seule présence, techniquement inutile, qu'on n'attendît de moi aucune compétence particulière , cela me rendit soudain la vie plus légère.


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vendredi 15 janvier 2010

Et si la pensée aléatoire était la clé?

L’internet laisse des traces profondes dans l’apprentissage des jeunes. Les pages Web offrent une possibilité de pages et de liens sans début ni fin. Ils ont perdu l’habitude de commencer à 1 et de terminer à 30 en passant par le décompte logique. Est-ce que l’histoire électronique peut se réinventer et offrir des histoires en tenant compte de la pensée aléatoire de nos jeunes?

karine

jeudi 14 janvier 2010

2. À 90 degrés au-dessus du vide

Croisés à l'entrée, les deux valets de parking apparaissent sur le toit du Moon Palace, le fameux cinéma abandonné en plein coeur de cette ville en ruines.

À l'avant scène, la reine nègre se tient cambrée dans toute sa splendeur sur les rebords d'aluminium qui lui renvoient, dans ses fausses lunettes Armani, les éclats du Midi. Elle forme un angle à 90 degré au-dessus du vide. Les yeux des valets essoufflés semblent se figer un instant sur le derrière de son tailleur où se découpe deux jambes effilées qui, des hanches vers le bas, débouchent d'un côté sur un bottillon de l'autre sur un pied nu. L'équilibre de la reine qui cherche désespérément son homme plus bas en est pour le moins perturbé. Elle semble hésiter entre ciel et terre, comme une coureuse olympique croquée au vif. La perspective lui donne une jambe si longue que les valets en demeurent assommés.

Deux valets armés, une négresse, la morsure du soleil, le filet de sang aux lèvres de la chienne, sa chevelure hirsute dans la cendre soulevée au vent, spirales dans lesquelles se dissout l'anxiété mêlée à l'insolence du regard. Les deux malfrats s'avancent enfin, la reine se retourne, étourdie, vacille, elle s'écroule dans le gravier.

"Lève la tête, Boris, enfant de chienne". La main dans son blouson tape à la vitesse-éclair les mots incendiaires. Trouver le bouton d'envoi. C'est parti.

Le plus gros des valets la coince entre ses paumes, la relève. Tout en tâtant ses courbes. L'autre se colle en se frottant par derrière. Il la tient en respect avec son Beretta M9. Ils rient.

- Comme ça tu traînes avec un blanc-bec.
- Pauvre con! Avise-toi pas de me toucher, mec. Je connais ton patron, siffle t-elle.

Elle se laisse fouiller, bonne joueuse, ferme les yeux. Un sourire amer fend son visage en deux.

Plus bas, cette forme inhumaine affublée d'un costume de lapin. Les grandes oreilles retombent le long de son costume aux proportions squelettiques. On dirait un lapin dégarni par la chaleur. À ses pieds, une petite môme à la chevelure incendiée.

Qu'est-ce qu'y fout dans ces frocs? Ça ne peut qu'être lui... Et si c'était un des valets déguisé? Qu'est-ce qu'ils ont fait de Boris, alors? Impossible de savoir. Et la petite qui reste bêtement assise à ses pieds. Garde partagée à la con. J'aurais jamais dû accepter.

Des nuages noirs recouvrent le cinéma. Les deux valets poussent la reine vers la sortie. Des rires fusent.

Derrière eux, un portable dans le gravier. Et plus bas, un lapin qui s'apprête à se faire tremper.

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Mort d'un travelo

Dounia Summers c’est le marabout de la bande. On dit d’elle qu’elle lit l’avenir dans les draps souillés de ses amants. Quinquagénaire suave et démesurée, seule sa pomme d’Adam trahi sa façade laquée d’hystérique platine. Dounia Summers. C’est elle qui m’a ramassée la première fois, nue et hagarde dans une benne à ordures derrière le Moon. Dounia et ses potions infectes, et ses gris-gris improbables. Dounia. Une des rares personnes dont je me souvienne et qui résiste à l’effacement sporadique de ma mémoire.

5h15. W.C. des dames. Dans l’embrasure de la porte, elle tient son ventre. Un sang lourd et poisseux danse sur sa robe à paillettes. Elle ne s’est pas rasée depuis des jours, des poils drus encadrent cà et là sa bouche trop rouge, hérissent ses joues creuses. « Ils m’ont ouvert, les salauds ils m’ont ouvert ». Elle s’affale sur la moquette, mon lit depuis maintenant trois jours. « Ne dors plus iccc…ici… trop danger… Le Nid…. prends mon… installe-toi au Nid….Attends,attttends ceux du terrier, ils sauront quoi… Le feu, c’est toi, c’est TOI qui… le terrier, le feu, le feeu le ffff… »

Une voix derrière moi : «Ta main, dans son ventre, cherche dans le ventre de l'homme-femelle, VITE!»

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mercredi 13 janvier 2010

1. Le trou du lapin

Du coin de la rue, en sueur, il admirait la petite. Il la voyait coiffer sa poupée avec le peigne de sa maman et il se disait: des cheveux si blonds, ça va attirer les nègres. Faut pas que je la perde de vue. Faut que je m’assure de la garder des méchants. Et des méchants, il y en a partout. Y a qu’à jeter un coup d’oeil autour.

Les décombres. Ça se défonçait dans les allées et les nuages étincelaient encore.

Mais Boris ne la perdait pas de vue. Il veillait au coton. Et la petite mioche lorsqu’elle levait la tête en souriant, ça lui faisait toujours quelque chose là et il encaissait tout au coeur et le monde continuait à tourner seulement qu’ il n’avait pas envie que quelque chose lui arrive et la reine qui venait pas, qu’il se disait Boris. Il suait dans son costume en jetant un coup d’oeil furtif à sa Rolex, mais il n’y voyait que du poil et il râlait en pensant à sa camelote.

Je vais lui en faire prendre une bourrée, la gueuse, elle va en manger une de travers et elle va voir comment je me chauffe. Faut que je la retrouve quand même. Trois jours qu’elle me fait le coup du fantôme. Et moi qui fait la rue dans cet accoutrement! Heureusement qu’y a la poupée. Et la police qui surveille encore au coin. Fais comme si tu la voyais pas. Regarde ailleurs, siffle un air connu, prends la main de la petite et enfonce toi dans la ruelle, puis déguerpit, lapin, fraie toi un chemin entre les paumés.

Boris entendait une sirène au loin et il pressentait le malheur, une sirène, c’est jamais de bonne augure et surtout pas en juillet avec une môme sur les bras et un malfrat qui te cherche à travers la ville.

Boris n’était pas du genre à s’emporter. Il respirait bien. Il mesurait les prochains coups. D’abord, la petite, ensuite, la ruelle, bifurquer et remonter par le porte de derrière, prendre le sac d’Olivia, la gourde, quelques conserves et ensuite dans «le trou du lapin» comme elle disait si bien. Il n’y avait pas d’autres solutions.

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mardi 12 janvier 2010

Le Cinéma Moon

Le cinéma Moon faisait partie du quartier peu fréquentable qu'est le Carré aux loups. L'origine étrange de son nom se perd dans la nuit, les dédales somptueux de ses ruelles l'illuminant pauvrement. Au début du XXe siècle, des attaques supposément lycanthropes avaient provoqué un exode vers des quartiers jugés plus sain comme l'Inside City (que les Américains ont tôt fait de saccager).

C'est là, au cinéma Moon, que je regardais des vieux films de Bogart pour oublier le sort de ma famille, anéantie par Sam Fox. Heureusement, Rex s'assurait de garder le flot de mes boissons à taux régulier, ce qui m'empêchait de sombrer dans une vacuité d'esprit et de moeurs légères.

C'est là que j'aurais pu rencontré cette jeune dame.

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dimanche 10 janvier 2010

Mauvaises nouvelles des étoiles

C'est Ange Staboulov qui m'a appris la nouvelle.

Raoul Da Silva
s' est suicidé à l'hôpital spécialisé en santé mentale de Kcavaz Tnerual. Il souffrait d'une forme aigüe de terreur paranoïaque. Enfin c'est ce qu'avait diagnostiqué le Docteur Schott qui l'avait fait admettre à la clinique de Saint Alban, une clinique à la mode où il avait jadis exercé.

Ce pauvre Raoul avait connu les geôles du général Videla. Depuis, la terreur ne l'avait plus quitté. Elle refaisait surface à l'occasion de certaines rencontres :

-
Vous vous souvenez de Joe Ghidetti bien sûr ?" , m'avait glissé Staboulov.
Le docteur Schott qui avait gardé des contacts avec Saint Alban, y tenait un séminaire sur la peur. Les malades pouvaient y participer. La queue de comète de la psychiatrie institutionnelle.

Le Doc était le dernier des mohicans.

C'est à un de ces séminaires que Da Silva avait rencontré
Nicolas Ardbeg. Une sorte de mystique qui la ramenait à la moindre occasion. Da Silva s'était entiché de ce Ardbeg, au point de vouloir le suivre lorsque celui-ci fut transféré à l'hôpital Kcavaz Tnerual.

Je n'ai appris que très récemment l'arrivée de mon ami Raoul à N.D.Lay. Ce hasard m'a beaucoup troublé. Je lui ai écrit pour lui annoncer ma visite. Avait-il reçu la lettre ? L'annonce de ma venue avait-elle brisé le fragile équilibre qu'au dire de ses médecins, il semblait avoir retrouvé?

Etrangement, j'ai reçu un message de condoléances de ce Nicolas Ardbeg qui parait en savoir beaucoup sur moi.


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dimanche 3 janvier 2010

Nicolas Ardbeg

En cet an 24 du Matriarcat Néo-Républicain au sein de cette Europe-Unie vaillamment conduite d'une main de fer par Barbara Sarkozy IIIème du nom, découvrez l'histoire passionnante de Nicolas Ardbeg.

samedi 2 janvier 2010

Conversations entre gens de bonne compagnie


O'Flaherty est
est un irlandais costaud et rouquin. C'est le responsable du département de cryptologie de l'International Spy Foundation. Il y a quelques jours, il m'a donné rendez-vous au Ruth's Chris Steak House, un quartier friqué de N.D.Lay, à l'ouest de l'Inside City.
A peine assis, il a posé sa sacoche sur la table et a sorti un cahier recouvert de cuir rouge.
Il m'a dit qu'il voulait me montrer ça et que je connaissais déjà évidemment. Le titre était gravé en caractères gothiques "Conversations entre gens de bonne compagnie"..
Bien sûr que je connaissais. Bibi et tout le monde à la Fondation avait entendu parler de ce cahier.Il était d'habitude conservé dans le coffre-fort personnel d'Ange Staboulov. Le grand chaman me l'avait montré un jour :

- C'est un vieil ami, André Legoff qui a fabriqué la couverture. Magnifique n'est-ce pas?
Il jubilait
- Magnifique.
J'avais pris le ton du type pas concerné pour deux balles . Il ne fut pas dupe. Il éclata de rire :
- Sacré grand con, tu me prends pour une andouille non? André Legoff , tu le connais aussi bien que moi. N'est-ce pas monsieur le technicien supérieur en linguistique de mes deux ?
J'avais rien répondu. Il a ajouté :
- Mais peut-être qu'un jour on aura besoin de tes lumières. Va savoir.
Le jour était sans doute venu. L'irlandais me le confirma:
- Ce truc résiste à toutes nos tentatives de décryptage. D'après le patron, tu es un expert.
- Qu'est-ce qui te fait penser que ces écrits sont cryptés.
- Ces phrases sans queue ni tête avec une couverture pareil, quoi d'autre ?
Bien sûr. J'ai repensé aux soirées passées avec la bande du Gulliver. Qu'est-ce que ces types de l'international boite à barbouze, grandi dans un pays rompu à la communication efficace, auraient pu comprendre à ces rêveurs de phrases. Je me suis souvenu d'une de ces sentences que le Docteur Schott aimait lâcher à la fin de nos conversations:
"Vous savez , jeune homme, l'essentiel du message n'est pas ce qui s'y dit mais le lien invisible que vous tissez avec votre interlocuteur."

Merde. Je n'étais pas ici pour ressasser le passé mais pour retrouver les traces du grand Rimasky. Et pour cela j'avais besoin d'Ange Staboulov. J'ai pris le cahier et ai promis d'y jeter un oeil.
Nous avons terminé la soirée autour d'un T.Bones steack garni de french potatoes et d'une bouteille de Panamera, un rouge dont le goût boisé me semblait étrangement idéal, à l'image de cette banlieue résidentielle de N.D.Lay.


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Sam Fox le truand; Rex, l'allié

D'être le nouveau venu en ville n'est pas facile, surtout lorsqu'on a ma gueule. Mais de savoir qu'un écrivain me prête des intentions...

Je ne suis pas né du dernier hiver. Je sais me battre et je n'ai froid que pour plaire aux dames. Nicolas Ardberg en sait qqchose.

Ardberg disait même que j'attirais les femmes chaudes simplement en grelottant. C'était avant qu'il ne devienne tueur à gages.

"Allo?" Oh merde faut vraiment que j'oublie cet @l_ecrivain et que je focus sur mon boulot. J'ai une vengeance à exécuter à froid. "A+ Rex".

Rex était le seul à connaître mon passé trouble: toute ma famille assassinée par un producteur porno, Sam Fox, amoureux de feue ma soeur.

Les inepties de @l_ecrivain devraient me passer 10 pieds par-dessus la tête; mais mon coeur chavirait chaque fois que mon nom était sali.

Sam Fox avait réussi à m'attendrir à un tel point que chaque attaque envers moi, aussi poétique soit-elle, m'attendrissait jusqu'aux pleurs.

Et je n'avais pas besoin que l'OBNI me mette sous surveillance: les réseaux de l'Inside City étant indécodables, j'y perdrais mon latin...

Si jamais on venait à me prendre en filature. Et rien ne m'assurait que je ne l'étais pas déjà. D'où l'excès de prudence teintée de violence.

"Oui Rex, j'arrive". J'étais convaincu qu'avec Rex, je coincerais cet ectoplasme de Sam Fox: rusé comme un renard, mais sa chair est faible.

Mon passé de poète n'intéresse personne

Même si je suis nouveau à Kaosopolis, il semble que les rumeurs à mon sujet courent plus vite qu'un sprinter jamaïcain. Voilà pourquoi j'aimerais mettre certaines choses au clair:

Les Conversations entre gens de bonne compagnie sont constituées de plusieurs poèmes qui auraient été transmis par l'OBNI, l'être rêveur, à un scribe dont on ignore le nom. Je n'ai donc rien à voir avec le poème Et les enfants se ruaient sur ses plaies heureuses ouvrez grand vos bouches mères malheureuses, comme le prétend L'Écrivain.

Je n'accepterai pas qu'on m'attribue des poèmes alors qu'ils ont pour source la conscience supérieure.

Afin d'assurer ma sécurité et de redorer ma réputation, j'ai dû appliquer quelques principes coercitifs que je n'envisageais pas jusqu'alors:

J'ai dû faire appel aux services d'un tueur à gages pour vous convaincre de cesser de me harceler ainsi.

Les Conversations entre gens de bonne compagnie ne sont pas à prendre à la légère.

Un certain Ardberg vous contactera sous peu.

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