Lors de mon arrivée à N.D.Lay, j'ai contacté Ange Staboulov.
J'avais travaillé pour lui à l'époque des compagnons d'Oneiros . J'ai fait comme si on ne se connaissait pas. Je lui ai juste dit que nous avions un ami commun, le docteur Schott. D'ailleurs aucun de nous n'a jamais évoqué le passé et je me demande parfois si tout cela est vraiment arrivé.
Staboulov m'a embauché comme veilleur de nuit . Il m'a donné l'adresse du White Swan. "Un hôtel pas cher à deux pas d'ici, qu'il m'a dit. il est tenu par un ami à moi. Un chinois."
C'est comme ça que le patron du White Swan est entré dans l'espace de mes préoccupations mentales. Je ne connais pas grand chose sur Charly Wang si ce n'est cette amitié avec Staboulov et des rumeurs sur son appartenance au Guoanbu, un service secret chinois. O'Flaherty, le responsable du service de cryptographie de l'International spy Foundation m'a dit un jour cette chose qui m'avait beaucoup intrigué:
- Je me suis toujours demandé si c'était un hasard mais je n'avais jamais entendu parler de Charly Wang ni de Jimmy Jones avant que tu débarques.
Un hasard ? Je me souviens de cette citation que le directeur de l'International Spy Foundation avait encadré et accroché au mur de son bureau: "Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito."
Le hasard. Dieu ou Ange Staboulov ?
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Fiction hypermédiatique à 10 mains où s'entrecroisent les destins de Boris Platine, Jimmy Jones, l'écrivain et Dounia Summers dans l'antre de Kaosopolis et de ses ramifications
dimanche 19 décembre 2010
mercredi 27 octobre 2010
Le mystère des poissons lunes
J'ai clos le dossier Jimmy Jones et j'ai repris mon boulot de veilleur de nuit à l'International Spy Foundation. J'y ai retrouvé les hommes en complet gris, à qui en échange d'une carte d'accréditation, je confie des clés dont ils ne se serviront pas.
Etre à nouveau inutile me redonne un peu de légèreté.
J'échange parfois quelques mots avec le patron sur de nouveaux gadgets que la boite s'est offerts. Hier, il m'a demandé mon avis sur les avantages comparés de divers algorithmes de cryptages. "Cela restera entre nous" a-t-il tenu à préciser "je fais entièrement confiance à O'Flaherty pour choisir le meilleur système".
Je pense à Jimmy Jones-Ghidetti, à son bref séjour parmi les compagnons d'Oneiros . Il jouait parfois les barmans au Gulliver. Je le voyais souvent trainer, sa bouteille de Gentleman Jack à la main. La fondation semble être un décor créé pour donner le change comme jadis la brasserie d'André Legoff . L'ancien barman du Soho avait-il lui aussi ce sentiment d'être un passager clandestin ?
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Etre à nouveau inutile me redonne un peu de légèreté.
J'échange parfois quelques mots avec le patron sur de nouveaux gadgets que la boite s'est offerts. Hier, il m'a demandé mon avis sur les avantages comparés de divers algorithmes de cryptages. "Cela restera entre nous" a-t-il tenu à préciser "je fais entièrement confiance à O'Flaherty pour choisir le meilleur système".
Je pense à Jimmy Jones-Ghidetti, à son bref séjour parmi les compagnons d'Oneiros . Il jouait parfois les barmans au Gulliver. Je le voyais souvent trainer, sa bouteille de Gentleman Jack à la main. La fondation semble être un décor créé pour donner le change comme jadis la brasserie d'André Legoff . L'ancien barman du Soho avait-il lui aussi ce sentiment d'être un passager clandestin ?
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samedi 4 septembre 2010
Des printemps et des automnes
Hier soir, comme tous les soirs depuis le début de notre mission, j'ai rencontré O'Flaherty au Ruth's Chris Steak House. Il m'a balancé le fond de sa pensée, tout en colère rentrée, bien dans les manières de cet irlandais nourri à la mamelle de la vieille Angleterre.
- Bon, que les choses soient claires. J'exécute mais j'approuve pas. Staboulov nous a mouillé dans sa combine pour dissimuler ses magouilles.
Il s'est arrêté de parler et a jeté un oeil autour de lui . Personne ne semblait faire attention à nous. La brasserie était bourrée de monde et avec le bruit de fond, de toute façon, il aurait été difficile de nous entendre à deux mètres.
- Ca fait longtemps que tout le monde dans la boite sait que Jones et Ghidetti sont une seule et même personne. Toi-même...
Moi même oui ... Une chose me turlupinait :
- Mais pourquoi Staboulov a caché l'affaire jusqu'à maintenant?
- Pour pas défriser Charly Wang. Tu sais, ce type arrose la fondation. On reçoit de l'argent du gouvernement fédéral mais c'est loin de suffire. Jusque là , le chinois couvrait son homme de main. Mais apparemment, il a décidé de le lâcher.
Ce revirement du représentant de l'Inside City n'avait sûrement rien d'anodin. L'ancien membre du Guoanbu avait tout compris des manières de surnager en eau trouble . J'ai repensé à cette phrase qu'il avait l'habitude de prononcer lorsqu'on lui reprochait un coup tordu : " Il est plus sûr d'être craint que d'être aimé."
On était bien loin du vieux Lao Tseu.
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- Bon, que les choses soient claires. J'exécute mais j'approuve pas. Staboulov nous a mouillé dans sa combine pour dissimuler ses magouilles.
Il s'est arrêté de parler et a jeté un oeil autour de lui . Personne ne semblait faire attention à nous. La brasserie était bourrée de monde et avec le bruit de fond, de toute façon, il aurait été difficile de nous entendre à deux mètres.
- Ca fait longtemps que tout le monde dans la boite sait que Jones et Ghidetti sont une seule et même personne. Toi-même...
Moi même oui ... Une chose me turlupinait :
- Mais pourquoi Staboulov a caché l'affaire jusqu'à maintenant?
- Pour pas défriser Charly Wang. Tu sais, ce type arrose la fondation. On reçoit de l'argent du gouvernement fédéral mais c'est loin de suffire. Jusque là , le chinois couvrait son homme de main. Mais apparemment, il a décidé de le lâcher.
Ce revirement du représentant de l'Inside City n'avait sûrement rien d'anodin. L'ancien membre du Guoanbu avait tout compris des manières de surnager en eau trouble . J'ai repensé à cette phrase qu'il avait l'habitude de prononcer lorsqu'on lui reprochait un coup tordu : " Il est plus sûr d'être craint que d'être aimé."
On était bien loin du vieux Lao Tseu.
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lundi 23 août 2010
La mort de Gregor
L'avenir m'a laissé tomber. Les traces de Jimmy Jones s'accrochent à mes chaussures comme un vieux chewing gum.
J'ai quitté temporairement mon boulot de veilleur de nuit pour une mission à plein temps organisée aux petits oignons par le sieur Staboulov.
De mon passé de spécialiste en linguistique électro-informatique, j'ai gardé une bonne connaissance du trifouillage des données. Le boss m'avait balancé les données de l'opération. On avait deux dossiers gruyères sur deux individus : Jimmy Jones et Joe Ghidetti. Comme on voulait pas passer pour des branquignols,vis à vis de la postérité et des types là-haut qui décident des lignes budgétaires... là il s'est arrêté un instant pour voir si suivait... on va traficoter tout ça. On va réécrire réécrire l'histoire depuis le début. On a toujours sû que Jimmy Jones était Joe Ghidetti. Un dossier, une identité. Jimmy Jones alias Joe Ghidetti. Plus de gruyère et s'il reste des trous,on inventait. J'allais bosser avec O'Flaherty. "Un type un peu trop honnête à mon goût, s'est marré le grand manitou, mais il a l'esprit maison. Des questions ?"
Pas de question. J'ai pris contact avec l'irlandais. Nous passons nos journées à inventorier, copier, couper, coller. L'histoire s'écrit désormais en langage SQL.
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J'ai quitté temporairement mon boulot de veilleur de nuit pour une mission à plein temps organisée aux petits oignons par le sieur Staboulov.
De mon passé de spécialiste en linguistique électro-informatique, j'ai gardé une bonne connaissance du trifouillage des données. Le boss m'avait balancé les données de l'opération. On avait deux dossiers gruyères sur deux individus : Jimmy Jones et Joe Ghidetti. Comme on voulait pas passer pour des branquignols,vis à vis de la postérité et des types là-haut qui décident des lignes budgétaires... là il s'est arrêté un instant pour voir si suivait... on va traficoter tout ça. On va réécrire réécrire l'histoire depuis le début. On a toujours sû que Jimmy Jones était Joe Ghidetti. Un dossier, une identité. Jimmy Jones alias Joe Ghidetti. Plus de gruyère et s'il reste des trous,on inventait. J'allais bosser avec O'Flaherty. "Un type un peu trop honnête à mon goût, s'est marré le grand manitou, mais il a l'esprit maison. Des questions ?"
Pas de question. J'ai pris contact avec l'irlandais. Nous passons nos journées à inventorier, copier, couper, coller. L'histoire s'écrit désormais en langage SQL.
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lundi 31 mai 2010
Le syndrome du caméléon
Le patron m'a convoqué. Il préférait que je me charge du boulot moi-même. Tout ce qui touche à Charly Wang pouvait nous exploser à la gueule à la moindre fuite. Je comprenais ?
Je comprenais .
Il a à peine levé la tête à mon entrée. Il parcourait l'écran de son IBM. Un nouveau joujou qu'il avait connecté au fameux roadrunner, supercalculateur qu'il partageait avec l'Agence Centrale Fédérale
- Nos gars du département de morpho-analyse sont formels. Jimmy Jones n'est autre que le fameux Joe Ghidetti.
Il s'est interrompu et a esquissé un sourire :
- "Vous vous en doutiez un peu n'est-ce pas ? Maintenant on en a la preuve. Il va falloir fusionner les deux dossiers et ajuster les époques. Bon dieu, ce type est un vrai caméléon".
Staboulov parcourait son mémo.
"Le gars apparait dans nos tablettes à l'époque où il commence à publier ses poèmes et ses nouvelles sous le nom de Jimmy Jones. Puis disparait de la circulation et réapparait en barman du Soho sous le nom de Joe Ghidetti. Il vient vous rendre une petite visite et s'intéresse à vos amis du Gulliver. Nouvelle disparition. Il revient à N.D.Lay et il reprend son nom de Jimmy Jones. Il devient l'associé de Charly Wang. Ce type est né à vingt ans et a eu pas mal de vies successives. On en rêve tous."
Un vrai caméléon. J'ai repensé au Docteur Schott . Il avait écrit un livre là-dessus. Il m'en avait parlé un jour. C'était dans une autre vie.
En écrivant cela j'ai bien conscience de jouer avec le feu. Une autre vie. Cela pousse en moi à la manière d'une grosseur suspecte.
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vendredi 14 mai 2010
9. Le bunker
Pendant que la Reine nègre rage sur un divan pourri derrière le grand écran du Moon Palace, Olivia cherche à transpercer le paroi de la piscine avec son canif suisse. Transie jusqu'au bout des doigts, elle sent une pression sous ses aisselles et du même coup, son corps s'élève, elle voit ses pieds émerger de l'eau. Elle se secoue, relève la tête.
Boris la tient à bout de bras, l'air maussade.
- Je t'avais dit que c'était glissant.
- Faisait trop noir. J'ai pas vu la marche.
- Faut faire plus attention. Une chance que j'avais installé la piscine.
La piscine en plastique tient en équilibre sur deux bordures de ciment parallèles assez larges pour une personne. Dessous s'écoule un filet d'eau brumeuse qui serpente dans un canal où s'entassent les décombres de la 3e révolution.
Que sont devenus mes amis mercenaires, les vieux potes de l'inside city: Jimmy Jones, le paperback-poète et Charly Wang, représentant du premier arrondissement de N de Lay? À quoi rime cette mascarade? Pourquoi jouer la carte des civilisés? Il faut se replier, combattre, descendre dans les égouts, reprendre le contrôle du monde du Dessous, trouver une Dounia digne d'une 4e révolution et en finir une bonne fois pour toutes avec les faux-plaisirs anesthésiant du régime de Kao.
- Ça va, lapin? dit Olivia.
- Ça va, ça va.
Boris dépose Olivia sur le rebord. Il sort une couverture de son vieux sac d'armée, l'enroule autour de la fillette.
- Le bunker est tout près. Faut faire vite, avant que t'attrapes la crève.
Il la tire par la main. Elle rouspète, geigne un peu. Boris l'attrape, la hisse sur ses épaules, jette un regard à sa montre sous sa patte de poil détrempé. Il repère un écrous, le lance à bout de bras pour déterminer la profondeur de champ. L'écho strident leur revient, long et démultiplié. Ils s'enfoncent dans l'égout sans regarder en arrière.
Olivia grelotte; Boris tousse. Une odeur rance de pourriture leur remonte au nez. Les quelques filets de lumière qui se faufilaient entre le grillage de l'égout ne suffisent plus pour s'orienter dans la noirceur. Des yeux perçants clignotent ci et là, suivis de couinements, de grattements. Notre lapin sent des prédateurs qui rôdent.
- Attrape mon portable dans la poche de côté, Olivia.
Elle tâte.
- Brosse à dent, Gau-loi-ses, briquet, corde, pas de portable, mon lapin.
- L'autre poche. Ouvre-le vite! Ça grouille de partout.
Olivia ouvre le clapet du Ericsson TM 506 qu'elle a chipé le mois dernier à un vendeur de rue (une ruse parmi d'autre pour survivre à Kaosopolis où le portable est une denrée rare).
- Ça y est!
Comme des larves agglutinées les une aux autres dans le halo bleuté du portable, une famille de rats approche en sens inverse en crachant vers le lapin et sa gamine. L'écho d'une chute d'eau se mêle à la frayeur.
- On retourne à la caserne!
- C'est trop tard, ma puce. Il faut avancer.
Olivia s'agrippe au longues oreilles de Boris tout en serrant les cuisses autour de son cou.
Boris attrape un vieux roman de S-F ratatiné - Gun with occasional music de Letham - il soupire, fait la grimace et craque une allumette.
Le livre flamboyant pousse les rats dans un cul de sac - le canal se déverse dans le vide.
Boris fait le premier pas. La vermine se jette dans le canal, s'agrippe, remonte de l'autre côté et fait demi-tour.
À gauche de l'embouchure, Boris met la main sur une porte ovale métallique. Il dépose Olivia, insère sa main droite dans une fente; une lueur verte irradie, déchiffre les lignes de sa main. Un déclic sourd se fait entendre et ils pénètrent dans un premier compartiment formant antichambre et fortement défendu par une double porte.
Contre un mur, une pile d'ouvrages politiques et philosophiques grimpe jusqu'au plafond.
- Cette fois, on est dans le trou du lapin? dit Olivia.
- J'ai bien peur que oui.
- Comment on fait pour passer de l'autre côté?
- Il faut ouvrir la porte avec cette clé.
L'index de Boris pointe un objet doré qui dépasse la pile de livres du dessus.
###Pour l'histoire complète de Boris Platine, visitez son blogue ou lisez toute l'histoire sur Kaosopolis.
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jeudi 22 avril 2010
Journal de Jimmy Jones - Jour 3
Le Ruth's Chris Steak House est un resto sympa. C'est là qu'après mon quart de jour je passe la plus grande partie de mes soirées à siroter des Kilkenny et à reluquer la faune de l'Inside City. Car il faut le dire, en matière de femmes, le quartier central de Kaosopolis n'est pas piqué des vers.
Femmes chaudes.
Hommes souls.
Parfait alliage de luxure et de fuite.
C'est là, surtout, que j'écris pour passer le temps. Nouvelles et récits pour oublier cette vie qui fut mienne:
Ce genre de récit, j'en ponds un par soir pas pour épater la galerie mais pour me sortir toute ces saloperies que j'ai subies à cause de Sam Fox, ce proxénète converti en homme respectable de la porno trash: bukake et autres cochonneries du genre, que Mélodie Nelson appréciait du temps de ses escapades d'escorte.
Le Ruth's Chris Steak House est un resto sympa. C'est là qu'après mon quart de jour je passe la plus grande partie de mes soirées à siroter des Kilkenny et à reluquer la faune de l'Inside City.
Et parfois, parfois, je pense à cette peinture de Lucien Schott et je chiale un bon coup.
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Pour lire toute l'histoire de Jimmy Jones, visitez son blog ou lisez-la directement sur Kaosopolis.
Femmes chaudes.
Hommes souls.
Parfait alliage de luxure et de fuite.
C'est là, surtout, que j'écris pour passer le temps. Nouvelles et récits pour oublier cette vie qui fut mienne:
La nuit tombait. J'étais assis dans un bar à N.D.Lay, près d'Ivory Boulevard. Un truc clinquant rempli de vieux hippies et de jeunes trous du cul cravatés. Je venais de terminer une lecture poétique dans un tout autre endroit rempli d'un tout autre genre de gens mais tout aussi trous du cul et cravatés. Le cirque habituel: le vieux Jimasky éructe son désespoir et son mal de vivre. Le barman s'est approché de moi. J'ai reconnu Joe Ghidetti. Un type que j'avais rencontré il y a une vingtaine d'années dans les bars de la Western Avenue.
— Ce vieux Jim, qu'il m'a dit, paraît que t'es venu montrer ton cul aux morveux de l'université.
— Le cirque habituel, j'ai répondu.
— Dis-moi Jim, tu dois connaître un tas de types bien placés à Vegas, hein vieux frère.
J'ai jamais été son vieux frère ni le vieux frère d'aucun connard de la Western Avenue.
— Laisse tomber Joe.
Il agrippa mon poignet de sa main poisseuse et approcha son visage du mien. Il dégoulinait de sueur.
— On sait ce que c'est, à Vegas, pas vrai. Copain et compagnie. Tout être humain a le droit à sa chance, pas vrai Jim? J'ai un numéro à t'montrer. Un numéro un peu spécial. Ça devrait leur plaire à Vegas.
Le mec me dégoûtait. Sa bouche sentait le vomi. Mais il avait raison: tout être humain a le droit à sa chance.
— Allez, déballe ta camelote, j'ai dit.
— Pas ici. Amène-toi chez moi, ce soir à 20h. C'est au bout d'la rue. Au-dessus du chinois. Y aura d'la bière et du whisky. Comme au bon vieux temps, n'est-ce pas vieux frère?
Je l'ai saisi au colbac et j'ai serré de toutes mes forces. Sa gueule de rata a commencé à virer au mauve.
— J'suis pas ton vieux frère connard.
J'ai laché la pression et lui ai adressé mon plus beau sourire.
— À 20h chez toi. Comme au bon vieux temps, hein Joe?
J'ai monté les escaliers à 20h tapantes. Qu'est-ce qui clochait chez moi? J'aurais pu finir la nuit avec une de ces pisseuses de l'université. Une soirée baise et littérature avec une fille de la haute. Elle m'aurait pompé le noeud. J'aurais déclamé quelques vers du grand Jeffers et raconter mon combat de boxe avec Hemingway. On aurait fini au plumard. Le vieux Léon Jimasky aurait trempé son poireau dans un jeune corps souple et bronzé, passé sa nuit à ramoner la chatte d'une étudiante férue de littérature. Je bandais comme un âne. Je frappai à la porte. Joe vint m'ouvrir. On aurait dit qu'il avait vu le Père Noël. Ça me calma aussi sec. Ce cinglé sautait sur place. Il gueulait:
— Nom de Dieu de bordel de merde, il est venu! Il est venu, nom de dieu, il est venu!
Derrière lui se tenait une fille brune d'environ 25 ans. Elle avait du noir autour des yeux et de long cheveux enserrés dans un bandeau violet.
Elle semblait avoir sa dose.
— Qui c'est ça, que je demande.
— Rien, une beatnik. Elle a un peu forcé sur la bibine, je crois.
— La bibine mon cul, j'ai répondu, elle est raide défoncée cette gamine.
Joe s'était approché de la fille. Il me regardait de ses yeux révulsés. Ce type était complètement dingue. Avant que j'aie pu faire un geste, il avait sorti un cutter et l'appuyait sur la gorge de la petite camée. Il continuait à me regarder.
— Pas vrai Léon qu'il vont aimer ça, à Vegas. Un happening, comme ils disent les morveux de l'université. J'vais égorger cette petite salope, là, devant toi, Jimasky. Une oeuvre d'art. Mieux qu'tes poèmes de merde, pas vrai?
L'ordure s'approchait de moi. Il avait fait une sale erreur. J'ai pivoté doucement sur le côté et j'ai pensé au vieil Hemingway. Je lui ai balancé un crochet du droit, juste au creux des reins. Il a lâché le cutter et la fille. J'l'ai terminé d'un uppercut du gauche. Joe Ghidetti s'est écroulé sur la moquette. J'ai poussé la fille vers la porte. Elle chialait.
Je suis resté un bon moment dans l'appartement. Joe avait tiré les rideaux et allumé quelques bougies. Sûr qu'il aurait fait un tabac. A North Beach ou à Greenwich Village. J'ai fini par sortir. La petite camée m'attendait en bas. Elle m'a souri. J'ai laissé tombé toute considération artistique. Je bandais à nouveau comme un âne.
Ce genre de récit, j'en ponds un par soir pas pour épater la galerie mais pour me sortir toute ces saloperies que j'ai subies à cause de Sam Fox, ce proxénète converti en homme respectable de la porno trash: bukake et autres cochonneries du genre, que Mélodie Nelson appréciait du temps de ses escapades d'escorte.
Le Ruth's Chris Steak House est un resto sympa. C'est là qu'après mon quart de jour je passe la plus grande partie de mes soirées à siroter des Kilkenny et à reluquer la faune de l'Inside City.
Et parfois, parfois, je pense à cette peinture de Lucien Schott et je chiale un bon coup.
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Pour lire toute l'histoire de Jimmy Jones, visitez son blog ou lisez-la directement sur Kaosopolis.
dimanche 18 avril 2010
N.D.Lay's Movies
C'est O'Flaherty qui a découvert le truc. Dans une pile de vieux Outsider tirés des archives papier de l'International Spy Foundation . Un rayon un peu désuet, consacré aux revues subversives particulièrement surveillées par le gouvernement fédéral.
L'irlandais, toujours au taquet sur la réputation de la maison a tenu à préciser:
- Attention, il ne s'agissait pas de travailler pour le gouvernement mais d'un projet interne strictement destiné à archiver les renseignements dans un but de conservation.
Je ne sais pas si le directeur du département de cryptologie est passé maître dans l'utilisation de la vaseline ou s'il peut être considéré comme le dernier des croyants.De toute façon, pour découvrir ce genre de pépite, je suis de toute façon prêt à avaler n'importe quelle saloperie de lubrifiant.
C'est une nouvelle écrite par Jimmy Jones dans un numéro dédié au maître de N.D.Lay. Un hommage. Un peu grossier mais bien ficelé. Je l'ai lu avec une certaine tendresse comme on regarde un vieux film en super huit .
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Lire l'intégralité de l'histoire en cliquant sur N.D.Lay ou sur le blog Ma vie à N.D.Lay (journal de l'Ecrivain)
L'irlandais, toujours au taquet sur la réputation de la maison a tenu à préciser:
- Attention, il ne s'agissait pas de travailler pour le gouvernement mais d'un projet interne strictement destiné à archiver les renseignements dans un but de conservation.
Je ne sais pas si le directeur du département de cryptologie est passé maître dans l'utilisation de la vaseline ou s'il peut être considéré comme le dernier des croyants.De toute façon, pour découvrir ce genre de pépite, je suis de toute façon prêt à avaler n'importe quelle saloperie de lubrifiant.
C'est une nouvelle écrite par Jimmy Jones dans un numéro dédié au maître de N.D.Lay. Un hommage. Un peu grossier mais bien ficelé. Je l'ai lu avec une certaine tendresse comme on regarde un vieux film en super huit .
La nuit tombait.
J'étais assis dans un bar à N.D.Lay , près d'illégal Boulevard. Un truc clinquant rempli de vieux hippies et de jeunes trous du cul cravatés.
Je venais de terminer une lecture poétique dans un tout autre endroit rempli d'un tout autre genre de gens mais tout aussi trous du cul et cravatés.
Le cirque habituel: le vieux Jimasky éructe son désespoir et son mal de vivre.
Le barman s'est approché de moi. J'ai reconnu Joe Ghidetti. Un type que j'avais rencontré il y a une vingtaine d'années dans les bars de la Western Avenue.
« Ce vieux Jim, qu'il m'a dit, paraît qu't'es venu montrer ton cul aux morveux de l'université.
- Le cirque habituel, j'ai répondu.
- Dis moi Jim, tu dois connaître un tas de types bien placés à Végas, hein vieux frère.
J'ai jamais été son vieux frère ni le vieux frère d'aucun connard de la Western Avenue.
« Laisse tomber Joe »
Il agrippa mon poignet de sa main poisseuse et approcha son visage du mien. Il dégoulinait de sueur.
« On sait c'que c'est, à Végas, pas vrai. Copain et compagnie. Tout être humain a l'droit à sa chance, pas vrai Jim ? J'ai un numéro à t'montrer. Un numéro un peu spécial. Ça devrait leur plaire à Végas»
Le mec me dégoûtait. Sa bouche sentait le vomi. Mais il avait raison : tout être humain a le droit à sa chance.
« Allez, déballe ta camelote, j'ai dit.
- Pas ici. Amène toi chez moi, ce soir à 8h. C'est au bout d'la rue. Au dessus du chinois. Y'aura d'la bière et du whisky. Comme au bon vieux temps, n'est-ce pas vieux frère ? »
Je l'ai saisi au colbac et j'ai serré de toutes mes forces. Sa gueule de rata commencé à virer au mauve.
« J'suis pas ton vieux frère connard ».
J'ai laché la pression et lui ai adressé mon plus beau sourire.
«A huit heure chez toi. Comme au bon vieux temps, hein Joe ? »
J'ai monté les escaliers à huit heures tapantes. Qu'est-ce qui clochait chez moi?
J'aurais pu finir la nuit avec une de ces pisseuses de l'université. Une soirée baise et littérature avec une fille de la haute. Elle m'aurait pompé le noeud. . J'aurais déclamé quelques vers du grand Jeffers et raconter mon combat de boxe avec Hemingway. On aurait fini au plumard. Le vieux Léon Jimasky aurait trempé son poireau dans un jeune corps souple et bronzé., passé sa nuit à ramoner la chatte d'une étudiante férue de littérature.
Je bandais comme un âne. Je frappai à la porte. Joe vint m' ouvrir. On aurait dit qu'il avait vu le père-noël. Ca me calma aussi sec. Ce cinglé sautait sur place. Il gueulait :
- «Nom de dieu de bordel de merde, il est venu ! il est venu, nom de dieu, il est venu ! ».
Derrière lui se tenait une fille brune d'environ vingt cinq ans. Elle avait du noir autour des yeux et de long cheveux enserrés dans un bandeau violet.
Elle semblait avoir sa dose
.
« Kicéça , que j'demande.
- Rien, une beatnik. Elle a un peu forcé sur la bibine, je crois.
- La bibine mon cul, j'ai répondu, elle est raide défoncée cette gamine.
Joe s'était approché de la fille. Il me regardait avec des yeux révulsés. Ce type était complètement dingue. Avant que j'ai pu faire un geste, il avait sorti un cutter et l'appuyait sur la gorge de la petite camée. Il continuait de me regarder.
« Pas vrai Léon qu'il vont aimer ça, à Végas. Un happening, comme ils disent les morveux de l'université. J'vais égorger cette petite salope, là, devant toi, Jimasky. Une oeuvre d'art. Mieux qu'tes poèmes de merde, pas vrai ?
L'ordure s'approchait de moi. Il avait fait une sale erreur. J' ai pivoté doucement sur le côté et j'ai pensé au vieil Hemingway. Je lui ai balancé un crochet du droit, juste au creux des reins. Il a lâché le cutter et la fille. J'l'ai terminé d'un uppercut du gauche. Joe Ghidetti s'est écroulé sur la moquette.
J'ai poussé la fille vers la porte. Elle chialait. Je suis resté un bon moment dans l'appartement. Joe avait tiré les rideaux. et allumé quelques bougies.
Sûr qu'il aurait fait un tabac. A North Beach ou à Greenwich village. J'ai fini par sortir. La petite camée m'attendait en bas. Elle m'a souri. J'ai laissé tombé toute considération artistique. Je bandais à nouveau comme un âne.
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samedi 3 avril 2010
Zélig
Jimmy Jones.
Il semble avoir perdu toute identité précise. Omnniprésent et incertain , c'est l'associé de Charly Wang.
Je l'ai rencontré il y a quelque temps, casque de chantier sur la tête, participant à une de ces nombreuses opérations de nettoyage qui s'attaquent aux murs et aux rues de l'Inside City. Il m'est apparu ainsi à plusieurs reprises dans les tenues les plus extravagantes. En blouse d'épicier, tenant la caisse du magasin d'alimentation qu'il a ouvert avec le propriétaire du White Swan , un peu plus tard, en tablier rouge bordeaux, prenant commandes au Ruth Steack house et un soir, à l'International Spy Foundation , en bleu de travail , venant jeter un coup d'oeil à la chaufferie. Il m' a tendu un laisser-passer signé de la main même d'Ange Staboulov. A quoi joue-t-il ? O'Flaherty m'a proposé son aide.
"Mon vieux, le grand manitou n'est pas clair dans l'histoire. Il va foutre la fondation dans la merde avec ses magouilles".
L'irlandais tient a l'honneur de la maison. Il a mis à ma disposition les archives numérisées du département de vidéosurveillance. Je passe mes journées à les éplucher, l'oeil rivé sur l'écran de mon vieux Toshiba, guettant l'apparition de la silhouette familière de celui que le responsable de la crypto surnomme désormais "le caméléon".
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dimanche 28 mars 2010
8. La chute d'Olivia
Durant sa chute, Olivia n'arrivait pas à se concentrer sur sa journée, elle ne parvenait pas à remonter le fil du temps qui l'avait menée à une fin si bête: un plongeon dans le vide d'un égout. Elle revoyait cependant la main de peluche de son père et ses oreilles gris-rose qui pendillaient, alors qu'elle dégringolait toujours plus bas, vers le centre de la terre, un escalier en spirale qui fuyait sous ses yeux et la peur qui l'étreignait tellement qu'elle se mit à pleurnicher.
Alors qu'elle dégringolait, des pensées prises dans le ressac des larmes semblaient fuir vers la surface à une vitesse proportionnelle à sa chute. Elle revit sa mère, la reine nègre, appuyée contre le rebord de la fenêtre de la caserne, ses yeux vert platine comme elle se perdant dans la pénombre du couchant. Il lui sembla en fait voir une myriade de yeux verts agglutinés aux étroits murs de briques noires qui l'entouraient dans sa chute. Bientôt, les yeux se mirent à flotter autour d'elle; ils avaient une texture spongieuse, incandescente, amorphe. Ils clignotaient aléatoirement comme une ritournelle dont les notes, au lieu de renvoyer des sons, émettaient des signaux lumineux.
Cette valse électrique opéra un charme sur Olivia qui se sentit plus lègère. Elle tenta d'attraper un oeil, mais une lueur bleue argentée lui extirpa un cri. Elle ferma les yeux et les rouvrit, puis les referma aussitôt: sa tête entrait en collision avec une surface visqueuse, froide qui fit un plouf répercuté en échos jusqu'aux longues oreilles de Boris, là-haut.
Lorsque Olivia émergea, elle entendit:
- le couinement d'une famille de rats
- le clapotement de l'eau contre une paroi
- les cris désemparés d'un lapin en peluche
Elle se frotta les yeux, poussa un soupir de soulagement et fit quelques brasses. Entre ses jambes virevoltaient des nuées de méduses dont l'ombre se reflétait sur les murs. Elle tenta de se hisser sur le rebord du bassin, mais se retrouva à nouveau au fond de l'eau. Elle fouilla dans la poche de ses kakis et mit la main sur son couteau suisse, l'ouvrit, transperça la structure. La barbotte se retrouva assise au fond d'un bocal en plastique, grelottante et légèrement agacée.
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Alors qu'elle dégringolait, des pensées prises dans le ressac des larmes semblaient fuir vers la surface à une vitesse proportionnelle à sa chute. Elle revit sa mère, la reine nègre, appuyée contre le rebord de la fenêtre de la caserne, ses yeux vert platine comme elle se perdant dans la pénombre du couchant. Il lui sembla en fait voir une myriade de yeux verts agglutinés aux étroits murs de briques noires qui l'entouraient dans sa chute. Bientôt, les yeux se mirent à flotter autour d'elle; ils avaient une texture spongieuse, incandescente, amorphe. Ils clignotaient aléatoirement comme une ritournelle dont les notes, au lieu de renvoyer des sons, émettaient des signaux lumineux.
Cette valse électrique opéra un charme sur Olivia qui se sentit plus lègère. Elle tenta d'attraper un oeil, mais une lueur bleue argentée lui extirpa un cri. Elle ferma les yeux et les rouvrit, puis les referma aussitôt: sa tête entrait en collision avec une surface visqueuse, froide qui fit un plouf répercuté en échos jusqu'aux longues oreilles de Boris, là-haut.
Lorsque Olivia émergea, elle entendit:
- le couinement d'une famille de rats
- le clapotement de l'eau contre une paroi
- les cris désemparés d'un lapin en peluche
Elle se frotta les yeux, poussa un soupir de soulagement et fit quelques brasses. Entre ses jambes virevoltaient des nuées de méduses dont l'ombre se reflétait sur les murs. Elle tenta de se hisser sur le rebord du bassin, mais se retrouva à nouveau au fond de l'eau. Elle fouilla dans la poche de ses kakis et mit la main sur son couteau suisse, l'ouvrit, transperça la structure. La barbotte se retrouva assise au fond d'un bocal en plastique, grelottante et légèrement agacée.
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mercredi 17 mars 2010
7. Derrière le grand écran
Bas de soie enfoncé dans la bouche, mains ligotées, la tête haute malgré tout, la reine. Légère dans ses stilettos, le regard voilé derrière des lentilles Armani, un pistolet sur la tempe.
La cage d'escalier descend en spirale et s'arrête au rez-de-chaussée, derrière le grand écran du Moon Palace.
- Attention à votre tête, ça descend et ça tourne, dit le Gros.
- Ça descend raide, reprend le Petit.
- C'est quoi cette manie de me vouvoyer, dit la reine. Vous en avez plus pour longtemps. Boris va vous retrouver. Il va vous mater pour de bon.
Des coups de talon retentissent. En staccato. Gros plan sur les lèvres de la reine: moue rébarbative.
Vu de dos, l'écran géant ne ressemble pas moins à un écran géant. Les ombres sont denses, l'espace restreint, on étouffe. Des tas de bobines de film traînent ci et là. Des mannequins désarticulés. Des restants de pop corn. Un paquet de Trident à la cannelle. Des jarretelles. Un fouet. Une seringue. Des revues déchiquetées. Une paire de ciseau. Aux murs de vieilles affiches de film : Casablanca, Blow up, Satyricon, Alphaville, Moloch... Vestiges d'une autre époque. Au fond, la lueur d'une lucarne invisible éclaire un vieux sofa entièrement recouvert de perruques bleues.
Le Gros projette la reine sur le sofa.
- Connard, dit la reine.
- Salope, dit le Petit.
Le portable du Gros retentit.
- Allo, dit le Gros.
- C'est qui? dit le Petit.
- Non, dit le Gros. Non, non. Elles est ici. Avec nous.
- C'est le gorillle de Kao, dit le Petit?
- Platine? Pas de nouvelles. Elle n'avait pas de portable, non, dit le Gros.
- Passe-moi-le, dit le Petit.
- Ok. Dans une heure, dit le Gros.
Le Gros ferme son portable.
- T'as raccroché, dit le Petit.
- Ta gueule, dit le Gros.
La reine dans les perruques fulmine en silence. Elle revoit son frère sur la place publique. La balle qui lui transperce les méninges. Le silence qui s'ensuit. La voici à son tour à la merci de l'ennemi, désarmée. Avec ou sans fusil, c'est du pareil au même. Elle n'a jamais appris à tirer. Tout juste bonne à se déhancher.
Si je m'en sors, pense-t-elle, je dois me planquer pour un temps, revoir mon approche, repenser ma stratégie à froid.
Et Boris avec tout cela qui ne répond pas.
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samedi 13 mars 2010
Totem et tabou
J'ai refilé le matos à qui de droit, une centaine de clichés en noir et blanc. Le technicien du labo a effectué les tirages sur un papier Bergger baryté, un must selon O'Flaherty. L'irlandais m'a balancé tout un laïus sur la pureté des blancs et le rendu des contrastes. Je n'ai personnellement jamais rien entravé à ces arguties esthétisantes. A ce qu'il m'a dit, les tirages vont être numérisés dans la bécane centrale de l'International Spy Foundation. Il tient à garder les originaux dans ses archives personnelles .
A quoi rime tout çela?
"A prendre date " m'a-t-il répondu.
Il a ajouté : " On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas". Qu'on ne savait pas quoi ?
Il s'est contenté de noyer le poiscaille, bien aidé par la sonnerie de son bipper.
Ce matin, je suis allé faire un tour du côté de la Western Avenue. Je me suis arrêté devant le Soho. Ses néons éteints, ses petits carreaux dépolis et crasseux, lui donnaient l'apparence d'un hôtel borgne. Une plaque était apposée à côté de la porte: ici a bu le grand Rimasky . Je n'ai pas su quoi penser de ce genre d'initiative. J'hésitai entre une vague nausée et un grand éclat de rire mais ça fait longtemps que je n'ai plus le coeur à rire. Le malaise ne m'a pas quitté de la journée.
Malgré mes efforts désespérés de me mettre au diapason de la dérision généralisée, je garde encore en moi quelque chose comme le sens du sacré.
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dimanche 28 février 2010
Un piège à fauves
Un tintement de clés. Rex pousse la grille. Les cheveux me collent aux tempes, s’immiscent dans ma bouche. Chaleur. Un goût de sel. Le sang pulse aux doigts. Dounia est quelque part, quelques mètres plus bas. Là-haut, Kaosopolis bourdonne, nous a déjà oubliés. Une clameur monte, ils sont plusieurs à scander de vieux trucs révolutionnaires. Rex a été catégorique. Je ne peux pas rester. Funérailles de merde, une odeur rance comme un piège à fauves. Noirceur totale. Rex me pousse sans ménagement. Mes épaules frôlent les parois ruisselantes, arpentent et lisent l’espace, sont mes yeux: ici, des concrétions, là, des béances. Nous trébuchons entre les tôles froissées, entre les bouteilles qui roulent. Des escaliers de mousse. Attention, ça descend et ça tourne. Combien de marches? J’ai perdu le compte. Le froid s’engouffre.
Vif, Rex retire le sac de ma tête. Devant, un couloir irrégulier constitué de niches de terre grossièrement creusées. Dans chaque renfoncement, des corps nus, déséchés. Au bout, une pièce vaguement circulaire où s’agitent une dizaine de silhouettes. Entre elles, Dounia apparaît, luisante comme une poupée de cire. Les lueurs de torches électriques soulignent sa peau tendue de reflets bleus, irréels.
– Eve, je te présente la garde rapprochée de Dounia. Ils vont t’amener ailleurs pour quelques temps. C’est pour ton bien.
Rex frappe fort. Frappe juste. Bruit sourd. Je m’affale. Douleur. La nuque n’encaisse pas, c’est ma tête qui craque. Tout près, un enfant pleure. Les silhouettes se brouillent, tout se dissout.
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Vif, Rex retire le sac de ma tête. Devant, un couloir irrégulier constitué de niches de terre grossièrement creusées. Dans chaque renfoncement, des corps nus, déséchés. Au bout, une pièce vaguement circulaire où s’agitent une dizaine de silhouettes. Entre elles, Dounia apparaît, luisante comme une poupée de cire. Les lueurs de torches électriques soulignent sa peau tendue de reflets bleus, irréels.
– Eve, je te présente la garde rapprochée de Dounia. Ils vont t’amener ailleurs pour quelques temps. C’est pour ton bien.
Rex frappe fort. Frappe juste. Bruit sourd. Je m’affale. Douleur. La nuque n’encaisse pas, c’est ma tête qui craque. Tout près, un enfant pleure. Les silhouettes se brouillent, tout se dissout.
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mercredi 24 février 2010
6 - Allons-y mon lapin!
Sur l'afficheur du portable à Boris, un texto de la reine nègre.
"Toit du MP! Help!"
- Merde!
Boris lâche un profond soupir, puis s'agenouille devant Olivia.
- Attends-moi ici. J'en ai pour deux minutes.
Le jour tombe. Un chat traverse la ruelle. Boris le suit le long du mur de brique qui mène sur le Boulevard des Capucins. Il jette un coup d'oeil sur le toit du Moon Palace. Désert. Le texto a été écrit il y a plus d'une heure.
- Merde!
Le lapin fait demi tour. Il empoigne doucement Olivia sous les bras, la soulève comme quand ça va pas et plante ses deux yeux de platine dans les siens.
- T'es prête?
- J' sais pas.
- Tu sais pas quoi?
- Pourquoi je devrais être prête.
- Bien sûr que tu sais.
- Peut-être bien.
- Alors?
- Allons-y, mon lapin.
Boris sort une Camel; Olivia sort son briquet. Elle l'allume; il aspire à fond. L'ombre de longues oreilles et une petite silhouette glissent le long du mur. Lentement. Déjà on sent que ça grouille autour. La noirceur attise la rapace. La faim rend louche. Malgré la chaleur suffocante, des fenêtres se ferment, des portes claquent. La chaîne d'un vélo grince et, de sa selle, un vieux clodo avec ses provisions sur le guidon racle sa gorge et crache sans sourciller. Le M phosphorescent du Moon Palace dépasse encore de l'angle du mur, puis disparaît. Nerveux, Boris jette un dernier coup d'oeil sur le boulevard. Un petit nègre sur une borne fontaine se décrotte les ongles d'orteils sous le regard louche d'un mec qui vend de fausses lunettes Armani.
Derrière la caserne, non loin de la pôle de métal, une ruelle. Et à quelques pas de là, une bouche d'égout.
- C'est le trou, papa?
- Le trou est partout.
- Mais, c'est le trou?
- C'est ce qu'on va voir.
- Allons-y, mon lapin!
De grosses mains en peluche soulève le couvercle. Olivia se glisse à l'intérieur. Les marches sont longues. Elle ne voit pas le fond. Elle hésite. Boris s'en mêle un peu, il met le pied sur la première marche.
- Attends!
- Allez! Attention à ta tête.
- Ça tourne et ça descend.
Boris prend soin de ne pas laisser ses oreilles dépasser et il referme le couvercle.
- Il fait noir.
- Allume ta lampe de poche.
- Il est où le fond?
C'est là. Juste là. Et comme il dit ça, la main d'Olivia ne se referme pas sur la marche ou plutôt elle glisse, elle dérape, son corps tombe dans un creux et son cri résonne, ce sont des volutes de sons sans concordances, des spirales stridentes qui cillent et s'allongent tout en s'évanouissant et ce ne sont pas seulement les sons qui s'évanouissent mais les membres d'Olivia et ses yeux et ses mains sur le sol dans une sorte de petit vrombissement qui laisse Boris pour le moins secoué en haut de l'échelle.
- Olivia?!
"Toit du MP! Help!"
- Merde!
Boris lâche un profond soupir, puis s'agenouille devant Olivia.
- Attends-moi ici. J'en ai pour deux minutes.
Le jour tombe. Un chat traverse la ruelle. Boris le suit le long du mur de brique qui mène sur le Boulevard des Capucins. Il jette un coup d'oeil sur le toit du Moon Palace. Désert. Le texto a été écrit il y a plus d'une heure.
- Merde!
Le lapin fait demi tour. Il empoigne doucement Olivia sous les bras, la soulève comme quand ça va pas et plante ses deux yeux de platine dans les siens.
- T'es prête?
- J' sais pas.
- Tu sais pas quoi?
- Pourquoi je devrais être prête.
- Bien sûr que tu sais.
- Peut-être bien.
- Alors?
- Allons-y, mon lapin.
Boris sort une Camel; Olivia sort son briquet. Elle l'allume; il aspire à fond. L'ombre de longues oreilles et une petite silhouette glissent le long du mur. Lentement. Déjà on sent que ça grouille autour. La noirceur attise la rapace. La faim rend louche. Malgré la chaleur suffocante, des fenêtres se ferment, des portes claquent. La chaîne d'un vélo grince et, de sa selle, un vieux clodo avec ses provisions sur le guidon racle sa gorge et crache sans sourciller. Le M phosphorescent du Moon Palace dépasse encore de l'angle du mur, puis disparaît. Nerveux, Boris jette un dernier coup d'oeil sur le boulevard. Un petit nègre sur une borne fontaine se décrotte les ongles d'orteils sous le regard louche d'un mec qui vend de fausses lunettes Armani.
Derrière la caserne, non loin de la pôle de métal, une ruelle. Et à quelques pas de là, une bouche d'égout.
- C'est le trou, papa?
- Le trou est partout.
- Mais, c'est le trou?
- C'est ce qu'on va voir.
- Allons-y, mon lapin!
De grosses mains en peluche soulève le couvercle. Olivia se glisse à l'intérieur. Les marches sont longues. Elle ne voit pas le fond. Elle hésite. Boris s'en mêle un peu, il met le pied sur la première marche.
- Attends!
- Allez! Attention à ta tête.
- Ça tourne et ça descend.
Boris prend soin de ne pas laisser ses oreilles dépasser et il referme le couvercle.
- Il fait noir.
- Allume ta lampe de poche.
- Il est où le fond?
C'est là. Juste là. Et comme il dit ça, la main d'Olivia ne se referme pas sur la marche ou plutôt elle glisse, elle dérape, son corps tombe dans un creux et son cri résonne, ce sont des volutes de sons sans concordances, des spirales stridentes qui cillent et s'allongent tout en s'évanouissant et ce ne sont pas seulement les sons qui s'évanouissent mais les membres d'Olivia et ses yeux et ses mains sur le sol dans une sorte de petit vrombissement qui laisse Boris pour le moins secoué en haut de l'échelle.
- Olivia?!
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lundi 22 février 2010
His name is Wang
Ce matin, Charly Wang m'a demandé si j'avais terminé mon travail. J'ai eu comme un instant d'hésitation. Il a ajouté avec un sourire:
— Celui pour le département de cryptographie bien sûr.
Je me doutais un peu qu'il était au courant. Un type qui passe ses après-midis à photographier les murs se remarque rapidement dans le quartier. Le patron du White Swan prend la chose avec bonhomie :
— Voyez-vous, mon ami, contrairement à ce que certains veulent faire croire, je ne veux pas étouffer, comme vous dites chez vous, la liberté d'expression.
Il a prononcé ces derniers mots en français, avec une emphase ironique, pas mécontent de montrer sa connaissance de la culture de mon pays et de son arrogance si souvent moquée de ce coté-ci de la planète. Le chinois est de ce point de vue bien intégré dans le paysage. Il a continué :
— Non. Simplement, je veux que chacun ici, se promenant dans son quartier, puisse s'y sentir fier d'y habiter, que nous ne soyons plus considérés par la municipalité comme des citoyens de seconde zone. Pour cela, nous ne devons pas nous comporter comme des citoyens de seconde zone. Nous devons nous tenir debout.
Il a balancé son boniment sans ciller. Je n'ai pas moufeté. Laisse tomber la neige, dit le sage en remontant son col. Je ne suis pas porté sur la controverse. J'espère seulement qu'un jour, la vie ne me fera pas payer ma lâcheté. Pour le moment, je serre les dents et je rase les murs à la recherche d'un coin d'ombre.
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— Celui pour le département de cryptographie bien sûr.
Je me doutais un peu qu'il était au courant. Un type qui passe ses après-midis à photographier les murs se remarque rapidement dans le quartier. Le patron du White Swan prend la chose avec bonhomie :
— Voyez-vous, mon ami, contrairement à ce que certains veulent faire croire, je ne veux pas étouffer, comme vous dites chez vous, la liberté d'expression.
Il a prononcé ces derniers mots en français, avec une emphase ironique, pas mécontent de montrer sa connaissance de la culture de mon pays et de son arrogance si souvent moquée de ce coté-ci de la planète. Le chinois est de ce point de vue bien intégré dans le paysage. Il a continué :
— Non. Simplement, je veux que chacun ici, se promenant dans son quartier, puisse s'y sentir fier d'y habiter, que nous ne soyons plus considérés par la municipalité comme des citoyens de seconde zone. Pour cela, nous ne devons pas nous comporter comme des citoyens de seconde zone. Nous devons nous tenir debout.
Il a balancé son boniment sans ciller. Je n'ai pas moufeté. Laisse tomber la neige, dit le sage en remontant son col. Je ne suis pas porté sur la controverse. J'espère seulement qu'un jour, la vie ne me fera pas payer ma lâcheté. Pour le moment, je serre les dents et je rase les murs à la recherche d'un coin d'ombre.
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jeudi 18 février 2010
What is the question ?
N.D.Lay est une mégalopole maniaque. Un nid d'excellence. Chacun y chasse la mouche dans le lait à grand coup de DDT. Cela donne aux résidents périphériques un goût amer mais un vernis irréprochable. "L'Inside City, c'est autre chose, vous verrez. C'est un bateau à la dérive" que m'avait dit Charly Wang à mon arrivée. Je n'avais pas saisi à l'époque à quel point il le regrettait. La grande lessive qu'il a entamé depuis qu'il a été élu conseiller d'arrondissement est une tentative pour reprendre la barre. Mais pour aller où ? Tout le monde ici se pose la question. Seul Jimmy Jones semble le suivre aveuglément.
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vendredi 12 février 2010
5. La révolution des perruques bleues
Menée de front par Dounia, la stratège des révolutionnaires, les perruques bleues amorcèrent leur première attaque la veille du jour de l'An avec, à leur côté, le commandant Jimmy Jones et le sous-commandant Boris Platine. Inspirés par les attaques-éclair du 3e Reich, les révolutionnaire développèrent la Négro-Blitzkrieg. Il s'agit d'une attaque fourdroyante, rapide, sans concession, mais qui, contrairement à l'approche allemande, déploie ses forces non sur une ville, mais sur le domicile des hauts-dirigeants de Kao. Ces attaques avaient toujours lieu par des nuits sans lune (d'où l'ironie du nom du quartier-général, Moon Palace) sur plusieurs fronts en même temps, de façon à décupler l'effet et à créer la confusion, voire la stupeur chez l'ennemi.
Fait important à noter: les organons étaient constitués de nègres volontaires, armés jusqu'aux dents et prêt à tout pour avoir un morceau de la chair de Kao. Pour eux, l'idéal consistait à la faire griller sur une broche comme un porc pour revivre les rites ancestraux du cannibalisme. Puisque les attaques avaient lieu en pleine noirceur, les nègres, pour se reconnaître au halo d'une lampe de poche, s'affublaient d'une perruque bleue.
Devenus fameux aujourd'hui, on retrouve encore ces symboles de la première révolution égarés ci et là dans les rues, sur les autoroutes. La plupart sont en piètre état, mais certains d'entre eux, retrouvés intacts, sont vendus à un prix exorbitant sur E-Bay.
De nos jours, les nègres constituent 83% de la population de Kaosopolis. Déchus et désenchantés par la défaite simultanée des 3 Révolutions, ils errent dans les rues, l'oeil hagard et les poings en sang. Ils ont promis de retrouver et de manger les entrailles des frères qui les ont trahi pour avoir une part du gâteau de Kao.
P.S. Aucun testament ne semble rendre à sa juste valeur l'ampleur du mouvement de contestation radical entrepris par les perruques bleues. Cependant, la rumeur veut que Jimmy Jones y ait annoté les stratagèmes, les plans, les pensées dans son journal intime. Cela reste à prouver.
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4. Sur les traces de Kao
En octobre 2038, Kaosopolis assiégée par Nanopolis, une ville entièrement peuplée de robots miniatures, a été vaillamment défendue par Kao (voir photo sur la page principal du site), la jeune présidente japonaise de la plus grande société de produits de soins de beauté (en particulier les soins de la peau et des cheveux), mais aussi de produits de santé qui augmentent l'espérance de vie de sa clientèle d'au moins 15 ans. Le produit vendu à un prix exorbitant a non seulement créé la division la plus radicale entre la classe riche et la classe pauvre, elle a complètement enrayé la classe moyenne, provoquant du même coup un conglomérat de sociétés secrètes vouées à part entière à l'anéantissement de la présidente. Comme on le sait, la milice militaire archi-milliardaire de la présidente Kao, portée au pouvoir suite à sa foudroyante victoire contre les androïdes de Nanopolis, est d'une fidélité et d'une cruauté à tout rompre. Cette réalité explique les émeutes, les bombes, la terreur qui règne depuis.
Si le monde continue à vivre, c'est dans un état d'hébétude, de dégôut et d'angoisse permanentes. Voyez l'atmosphère autour du célèbre Moon Palace (ancien quartier général des premiers révolutionnaires antikaosopoliciens), aventurez-vous, si le coeur vous en dit dans le Nid, la fameuse planque de Dounia où l'on retrouve partout sur les murs les photos des révolutionnaires déchus, du lapin sous-commandant dans son fameux accoutrement et d'Olivia, son arme secrète, l'innocence du cyanure et le feu vert dans ses yeux de platine. Voyez aussi les images jaunies de la photographe qui a élévé son art à un degré de précision militaire. Même si les coins sont un peu jaunis et racornis, on peut admirer la composition, les effets de lumière sur les corps décrépis, le ramassis d"objets hétéroclites perdus dans la mégapole: oursons en peluche évidés, batterie de cuisine, livres éventrés, meubles Louis XIV, trombones, Bixis, vieux PC, coeurs de pommes et carcasses de poulet pourries. À vos pieds, vous trouverez sans doute ce qui reste des perruques bleues***, vous les verrez aussi, en plongée, si vous marchez jusqu'à la fenêtre, telles de luminescentes méduses glissant le long des ruelles et des autoroutes au gré des saccades de vent et de pluie, memorabilia fantomatique d'une époque déjà révolue.
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samedi 6 février 2010
Un été caniculaire
Je passe mes après-midis à quadriller l'Inside City, armé de mon Zeiss Ikon Contax. Un vieux coucou ayant appartenu à Robert Capa , ce que m'a affirmé O'Flaherty. Ce type adore la ramener avec ses anticailles. Pour ma part, j'aurais préféré un numérique. Le Ds Mark III par exemple, un petit bijou que j'ai vu trainé dans le département "regard sur le monde".
Malgré le prix de la pellicule, je mitraille de façon systématique comme me l'a appris Ange Staboulov. Depuis son passage à la tête de l'OBNI, il a développé un penchant pour les méthodes radicales. Je passe des heures à arpenter les rues du quartier. Le soleil tape dur sur les façades en béton. Je tente de me protéger des mouches qui deviennent vicieuses à cause de l'odeur des poubelles qui s'entassent sur les trottoirs. Une preuve supplémentaire de l'incurie de la municipalité comme dit Charly Wang. Au conseil d'arrondissement, il a menacé les bureaucrates de la mairie d'aller lui-même, avec ses gars, ramasser les ordures et les déposer dans les quartiers résidentiels de la banlieue Est. On l'en croit capable. Jimmy Jones est à la tête de cette bande de petites frappes que le propriétaire du White Swan a constitué. Tout ce beau monde commence à inquiéter jusque dans l'Inside. De nombreux graffitis dénoncent Wang et son acolyte. Je me dépêche de les photographier. J'ai l'impression qu'ils seront les premiers à subir les assauts du Karcher. Est-ce pour ramener les traces de cette contestation qu' O'Flaherty m'a confié cette mission ou pour cette mystérieuse silhouette sombre bombée sur la façade du White Swan avec cette inscription A la mémoire de Dounia Summers .
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mercredi 3 février 2010
Journal de Jimmy Jones, jour 52
17h. je me précipite hors de la C3I pour m'adonner à quelques vices avant d'aller dormir 4-5 heures, juste assez pour être fonctionnel.
à quelques pâtés de maison le dark lolita me nargue pendant qu'au cinema moon palace un énième film de bogart joue en boucle.
je devrais passer rapidement mais l'odeur de pourriture m'attire comme une pute se précipite dans les bras de son mac je dévisage l'enseigne
clignotements cinglants qui m'appellent pour que j'y trinque ma paye, que les filles m'extirpent encore plus de cash, c'est Kaosopolis.
toujours une diversion toujours une partie de jambes frivoles toujours un liquide + ocre + dru + oriental. j'en enfile autant que je le peux
mais à force de m'entraîner à me défaire ainsi je m'endurcis il m'en faut de + en + pour me liquéfier au bar du dark lolita. jeanne me happe
elle veut que je lui paye un verre puis elle me déchirera les tympans en criant mon nom entre deux couinements, me promet-elle à l'oreille.
je connais bien les chambres du dark lolita. la dl-313 est ma préférée. pas de déco pas de meubles seulement un matelas par terre.
j'y viens toujours accompagné car je ne me fie pas au système aléatoire du dark lolita, système basé sur une séquence du cru de @l_ecrivain
j'appuie toujours sur A, donc, et j'y traîne ma traînasse (car c'en est) dans la dl-313 dont la thématique emprunte mon nom: jones-style.
les filles que j'y emmène veulent souvent m'en montrer, me signifier qu'elles sont pro, mais je n'accepte qu'un seul artifice: la perruque bleue.
donc jeanne qui s'effeuille je la regarde distraitement je la filme avec mon iphone je zoome sur le creux de ses reins je la texte en bleu.
je travel entre ses omoplates au-dessus des tissus restants je donne 1 coup de langue sur son lobe d'oreille gauche elle m'empoigne je verge
le iphone sur sa poitrine sa langue humecte mon mamelon droit sa perruque sent le synthétique le iphone se faufile entre ses cuisses
elle rit se levrette se cambre se dénude je m'arc-boute j'Eiffel j'enfile et toujours j'iphone en streaming à l'orée de son hédonisme.
mes vidéos aboutissent souvent en première partie des films de bogart quand rex réussit à me soudoyer. je suis un homme facile. je cède.
rex contrôle la salle de visionnement du cinema moon palace et on se repasse mes kinoïtes en mangeant du pop-corn sec.
ça bat à tout coup l'ennui morne & assuré que me procure mon travail répétitif & dénué d'imagination à la C3I. commis à l'écriture d'état.
heureusement les 3 révolutions m'ont assez ravagé pour que je ne sois pas reconnu peu importe la compagnie qui m'emploie. la célébrité tue.
mais rex savait y faire en terme de remaniement d'épiderme & j'avais été son cobaye lors de ses premières expériences. pour ma sécurité.
les 3 révolutions, boris platine pourrait nous en parler une mèche mais c'était l'entente que nous avions prise. le passé demeurerait enterré
et comme je ne parlais jamais des 3 révolutions malgré qu'on en célébrât l'échec retentissant chaque année je tabassais ma mémoire pour oublier
les femmes m'aident à enrayer ces années d'espoir naïf où l'on croyait pouvoir vaincre les robots de Nanopolis. c'eut été miraculeux.
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Victor-le-Bègue
Quand le sommeil m’échappait, je grimpais sur le toit du Moon. De là, on voyait la découpe incertaine des immeubles crades et des buildings de verre léchés de néons intermittents. Jeu de surfaces. Le toit était tiède, graveleux. Une odeur de bitume. Des roches infimes s’incrustaient sous mes cuisses. En me concentrant, j’arrivais à voir le ciel derrière les fils grésillants et les masses fuyantes du brouillard qui étouffaient la ville. Le sommeil me repoussait chaque jour davantage. Mes réserves de somnifères étaient à sec.
Nouvelle nuit sur le toit. En face, le Dark Lolita absorbe le regard et baigne le quartier d’ombres diffuses. Combien de chambres, combien de gestes répétés ? Et ces souffles courts, ces cris étouffés, on les croirait poussés par les murs, on jurerait voir l’hôtel se soulever au rythme des halètements. Le Dark Lolita. La chambre DL-08. Victor. J’en garde des souvenirs parcellaires. Étrange la mobilité de cette mémoire où les détails ne sont jamais vraiment ce qu’ils sont. Images instables comme autant d’amas déliés.
Victor détestait me voir prendre ces somnifères :
– Dis, p-p-petite, rien pour s-s-soigner tes euh… oublis, ces c-c-comprimés à la c-c-con que tu t’enfiles comme si ta v-v-vie en dépendait.
– Ta gueule Vic.
Victor. Je l’avais immédiatement remarqué. Ses allées et venues entre le Dark Lolita et la laverie, toujours aux mêmes heures. Ses pas nonchalants, un sac rempli de draps souillés balancé sur l’épaule. Il avait l’air largué, aussi largué que moi, ça m’avait plu. Je l’ai suivi.
–A-a-alors petite. C’est t-t-toi que la Summers a pris sous son aile ? Ça p-parle de toi dans le quartier. T’étais dans un sale état quand ils t-t’ont r-retrouvée. Ça doit bien faire deux mois maintenant… Un entrepôt désaffecté près du p-p-port. Tu as eu de la chance… C’est v-v-rai que tu as tout oublié ? Ta vie d’avant, je v-veux dire…
Une longue cicatrice traçait un méridien incertain sur son front. Le genre de cicatrice qu’on imaginerait mieux sur les lobotomisés d’un autre siècle que sur le visage laiteux d’un jeune bègue timide. Enfin. Les semaines avaient passé. Victor nettoyait les chambres du Dark Lolita et j’allais le rejoindre aux petites heures du matin, porte DL-08. Une chambre quelconque travestie en salle de cinéma miniature. Trois écrans blancs, un lit circulaire dont la base évoquait une bobine de film géante. Un simple bouton permettait de faire tourner le machin à vitesses variables. Ça l’amusait. J’avais bien essayé quelques caresses maladroites mais il semblait ne pas comprendre. Un enfant dans un corps de gaillard. Les yeux brillants, il me montrait son butin : ramassis de slips et de soutifs abandonnés dans les chambres, parfois un bijou de pacotille qu’il m’offrait, fier et satisfait, quelques paquets de clopes entamés, des fonds de bouteille, des pilules, des comprimés qu’on se partageais selon les couleurs : les rouges et les rose pour moi. Les blancs et bleus pour lui.
Pour les bicolores, on tirais à pile ou face. Il gagnait toujours.
Une autre nuit sur le toit. Pas sommeil. En face, le Dark Lolita s’impatiente dans l’attente de ses habituels clients. La chambre DL-08 est désormais libre. Victor n’y est plus, n’a laissé aucune trace. Disparu, volatilisé le même jour que Dounia.
Mes réserves de somnifères sont à sec. Le toit est chaud et la nuit est moite. Au-dessus de ma tête, les fils électriques grésillent comme une mémoire qui cherche son chemin.
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dimanche 31 janvier 2010
3. Dark Lolita
Le Dark Lolita, scabreux love hotel tokyoïte situé en face du Moon Palace, à deux pas de la bibliothèque de Babel, était un lieu de désoeuvrement et de luxure pour les cadres, les intellectuels, les petits commerçants, les bons pères de famille, les rejetés, les mal-famés, les emmerdeurs, les patrons, les étudiants - toute une racaille en mal de nourriture terrestre qui cherchait un moyen de diluer la semaine entre les hanches d'une somptueuse négresse. Nul n'y entrait sans y laisser une part de son âme. Nul ne s'en repentait.
L'entrée du Dark Lolita, deux grandes portes noires glacées, débouchait sur un rideau de velours cerise volontairement kitsch. Discrétion assurée. Au-dessus, une affiche en néon clignotait comme une canne de bonbon au rythme des visites : Blanc-libre/ Rouge-occupé. Derrière le rideau, une console à écran tactile offrait deux options:
1. Si vous êtes accompagné, appuyez sur A. Indiquez la durée de votre séjour; insérez le nombre de Kao (des billets à l'effigie de la présidente Kao***) nécessaire dans la fente indiquée à cet effet; choisissez la thématique de votre chambre; appuyez sur Ok. N'oubliez pas de prendre la carte émise. Elle vous permettra d'ouvrir la porte de votre chambre: DL-17.
2. Si vous êtes seul, appuyez sur S. Choisissez l'une des demoiselles qui apparaissent à l'écran; après avoir choisi, appuyez sur son visage; attention le coût de la demoiselle peut varier selon son expérience et la couleur de ses yeux; si vous acceptez le taux horaire de la demoiselle, indiquez la durée de votre séjour; insérez le nombre de Kao nécessaire dans la fente indiquée à cet effet; choisissez la thématique de votre chambre; appuyez sur Ok. N'oubliez pas de prendre la carte émise. Elle vous permettra d'ouvrir la porte de votre chambre: DL-26. Attention! La différence entre l'image qui apparaît sur la console et celle de la demoiselle en personne peut créer une déception ou une surprise chez le client. Dark Lolita n'est pas responsable de votre choix et ne peut, d'aucune façon, vous rembourser.
À Kaosopolis, l'être le plus répugnant pouvait, avec quelques billets à l'effigie de Kao, se payer une partie de plaisir mémorable dans une chambre thématique, modifiée en jungle, en plage avec vue sur mer, en ciel étoilé, parfois avec une prison intégrée, des menottes, des fouets. On y trouvait même une chambre capitonnée, dont le plancher entièrement matelassé vibrait, tel un haut-parleur, au rythme de sons érotiques. Il fallait bien que quelque chose compense pour la misère de Kaosopolis.
Boris tenait Olivia tout près. Il ne voulait pas que les vendeurs d'organes s'approchent. Il les tenait à distance avec une moue digne d'un enfant qui dédaigne son repas. Il serrait aussi son Beretta dans la poche intérieure de son costume de lapin.
Olivia, tresses noires, yeux vert platine comme son papa, tressautait aux rythmes des enjambées de Boris qui se faisait tout d'un coup plus brusque. Une sorte de rage commençait à paraître dans le tressaillement de ses paupières. Ils allaient encore devoir passer la nuit dans le trou du lapin.
Après avoir ramassé quelques conserves et empaqueté des caleçons de rechange, Boris précéda Olivia le long de la pôle. Sa planque, quoique misérable, avait un avantage : c'était l'ancienne salle de jeux de la caserne de pompiers. Deux tables de billard, une cuisinette, un mini-bar improvisé, une table de poker et, à l'autre extrémité, un trou avec une pôle platine au milieu. La sortie d'urgence de Boris pendant la période mouvementée des 3 révolutions. En face, l'affiche néon du Moon Palace jetait en pleine nuit une douce lumière de fond de mer au milieu du désordre. Cette veilleuse compensait en partie pour les cris de jouissance qui remontait à intervalles réguliers du Dark Lolita. Boris s'y était habitué, mais il n'aimait pas qu'on casse les oreilles à sa petite. Aussi, lui avait-il confectionné une petite maison en bois, calfeutré et bien matelassé, à l'abri du son des balles et des spasmes orgiaques.
La pôle donnait sur la cour arrière. Le trou découpé autour du pôle était assez large pour un homme mince, et même un homme mince costumé en lapin, mais il ne s'agissait pas du trou du lapin. Le trou du lapin, comme aimait à le répéter Olivia, se trouvait plus bas encore et débouchait beaucoup plus loin, à l'abri des regards, des sons. C'était le repère des coquerelles et le royaume de la boîte de conserve. Il était grand temps de s'y réfugier avant que la nuit ne tombe à nouveau.
Boris précéda donc Olivia sur la pôle, puis elle le suivit. En attrapant la gamine, son cellulaire tomba de sa poche de lapin. Ses longues oreilles traînaient au sol lorsqu'il réalisa qu'il avait manqué un appel...
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samedi 30 janvier 2010
Les Chroniques d'Oneiros, l'avant Kaosopolis
Pour bien comprendre où s'en vont toutes ces histoires, celle de :
il faut bien comprendre les Chroniques d'Oneiros
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mercredi 27 janvier 2010
Le silence des mouches
D’abord un malaise, un inconfort. Puis une sourde évidence : quelque chose ne va pas. Ou plutôt les choses ne se produisent pas comme elles devraient se produire. Le bon sens voudrait qu’à ce moment précis, dans cette pièce, le corps de Dounia frétille de mouches pondeuses, pourrisse dans un festin de larves, s’évanouisse sous des escouades de diptères agrippés à ses moindres orifices, se décline en cinq services pour une horde de convives nécrophages.
Quatre jours depuis son assassinat.
Et pourtant, le corps inerte de Dounia est là, ferme, imputrescible, ses chairs desséchées lui donnent une texture de papier froissé. Un papier froissé... cette page arrachée du Journal de Jimmy Jones. Entre mes doigts, je lis:
(…) La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.
Ce tableau dont parle Jones, je crois me rappeler… un tableau dans un sale état, le cadre rongé par les rats, un foutu vieux tableau, une lacération sur le galbe des fesses. Putain de mémoire à deux balles, où est-ce que j’ai vu cette connerie de tableau?
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mardi 26 janvier 2010
Journal de Jimmy Jones, jour 2
— T'es nouveau toi ici, non?
Sa familiarité m'énerve, mais étant le petit nouveau, je n'en fais pas un plat. On s'intéresse à moi, c'est déjà pas mal.
C'est ainsi que j'ai rencontré la secrétaire obèse et malodorante en ce deuxième matin au coeur de la C3I. Nerveux, j'arbore un sourire timide qui signifie oui; mais il veut également dire en espérant qu'elle ne me colle pas au cul.
— En passant, moi c'est Jacinthe.
— Jones. Jimmy Jones.
— Bienvenue chez nous Jimmy.
— Merci.
— As-tu tout ce qu'il te faut? Stylo, portable, netbook? Tu me le dis s'il te manque quelque chose, OK?
Finalement, Jacinthe est aux petits soins. Ferait pas de mal à une mouche.
Mon bureau est au 7e étage. Cordé en rangée parfaite de trois cubicules et faisant face à autant d'espaces de travail, ergonomiquement ajusté, mon cubicule est le premier de la rangée, adjacent à la machine à café, l'imprimante et le mini-frigo de l'étage.
Moderne, le corridor dispose d'un énorme sofa pouvant accueillir au moins cinq personnes de taille moyenne. Cinq personnes normalement constituées ou trois Jacinthe. Une console Wii est mise à la disposition des employés qui y jouent quand bon leur semble.
Même le patron, Charlie Wang, vient y faire son tour et joue une excellente partie de Wii Sports, surtout le golf. C'est du moins ce que m'a raconté Jacinthe lorsque je suis allé luncher avec elle et les collègues, hier, au Ruth's Chris Steak House.
Au-dessus du sofa géant trône une peinture tout aussi gigantesque et étrange, une inquiétante toile d'un certain Lucien Schott, germanique ou peut-être celte d'origine, c'est du moins ce que révèle l'inscription à la droite de la toile. Naissance en 1941. Lieu de résidence inconnu.
La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.
Que cette peinture ait été affichée dans le bureau de mon patron, soit, les goûts en art se discutent jusqu'à un certain point. Mais voir cette peinture chaque fois que je soulève mon train de mon siège a de quoi inquiéter. Sans parler des sourires que l'on me jette lorsqu'on aperçoit mon malaise.
Et dire que c'est la meilleure boîte, paraît-il, pour mettre en pratique mes talents.
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Sa familiarité m'énerve, mais étant le petit nouveau, je n'en fais pas un plat. On s'intéresse à moi, c'est déjà pas mal.
C'est ainsi que j'ai rencontré la secrétaire obèse et malodorante en ce deuxième matin au coeur de la C3I. Nerveux, j'arbore un sourire timide qui signifie oui; mais il veut également dire en espérant qu'elle ne me colle pas au cul.
— En passant, moi c'est Jacinthe.
— Jones. Jimmy Jones.
— Bienvenue chez nous Jimmy.
— Merci.
— As-tu tout ce qu'il te faut? Stylo, portable, netbook? Tu me le dis s'il te manque quelque chose, OK?
Finalement, Jacinthe est aux petits soins. Ferait pas de mal à une mouche.
Mon bureau est au 7e étage. Cordé en rangée parfaite de trois cubicules et faisant face à autant d'espaces de travail, ergonomiquement ajusté, mon cubicule est le premier de la rangée, adjacent à la machine à café, l'imprimante et le mini-frigo de l'étage.
Moderne, le corridor dispose d'un énorme sofa pouvant accueillir au moins cinq personnes de taille moyenne. Cinq personnes normalement constituées ou trois Jacinthe. Une console Wii est mise à la disposition des employés qui y jouent quand bon leur semble.
Même le patron, Charlie Wang, vient y faire son tour et joue une excellente partie de Wii Sports, surtout le golf. C'est du moins ce que m'a raconté Jacinthe lorsque je suis allé luncher avec elle et les collègues, hier, au Ruth's Chris Steak House.
Au-dessus du sofa géant trône une peinture tout aussi gigantesque et étrange, une inquiétante toile d'un certain Lucien Schott, germanique ou peut-être celte d'origine, c'est du moins ce que révèle l'inscription à la droite de la toile. Naissance en 1941. Lieu de résidence inconnu.
La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.
Que cette peinture ait été affichée dans le bureau de mon patron, soit, les goûts en art se discutent jusqu'à un certain point. Mais voir cette peinture chaque fois que je soulève mon train de mon siège a de quoi inquiéter. Sans parler des sourires que l'on me jette lorsqu'on aperçoit mon malaise.
Et dire que c'est la meilleure boîte, paraît-il, pour mettre en pratique mes talents.
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dimanche 24 janvier 2010
Une proposition
O' Flaherty m'a recontacté. On s'est donné rendez-vous à l'endroit habituel, le Ruth's Chris Steak House. Le responsable du département de cryptologie est arrivé avec une grosse valise. J'avais choisi une table un peu à l'écart. Il s'est assis et a jeté un oeil autour de lui, comme s'il se méfiait de quelque chose. Il a fini par se lancer.
- Tu sais que depuis quelques années, on a mis sur pied un projet de relevé systématique de tous les tags et graffitis de ce foutu bled. C'est un sacré boulot crois-moi.
J'en avais entendu parler. Le genre de projet inutile qu'affectionne l'International Spy Foundation. Je sais gardé pour moi mes réflexions. Attendre et laissé venir. Il a continué.
- Voilà pourquoi je t'ai appelé. Depuis que Charly Wang est le représentant de l'Inside City au conseil d'arrondissement, il a décidé de lessiver les murs du quartier. Je juge pas. Mais, rapport au patrimoine, c'est comme qui dirait l'Opernplatz en 1933 .
Il attigeait. L'irlandais est un habitué de la chose. C'est un grandiloquent. Mais je ne voyais pas trop où il voulait en venir. Ca finit par arriver.
-Alors voilà. Je me suis dis, comme tu habitais là et que tu avais un peu de temps devant toi, tu pourrais peut-être photographier tout ça avant que ça disparaisse.
Il a ouvert sa valise et m'a tendu l'équipement adhoc. On s'est quitté là, sans un mot. J'avais juste hoché la tête. Le soleil commençait à descendre vers l'horizon. Il me fallait rejoindre la fondation. Une longue nuit de travail m'attendait.
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Lire l'intégralité de l'histoire en cliquant sous le titre sur N.D.Lay ou sur le blog Ma vie à N.D.Lay (journal de l'Ecrivain)
samedi 23 janvier 2010
Le Baiser
Me laver. Heureusement la douche fonctionne encore et je peux me la faire gicler en plein visage pour tenter d'enligner mes pensées. Il faut penser vite, me décrasser, défaire les noeuds dans ma chevelure-spaghetti de gueuse (allez estime-toi bordel tu n'as rien d'une traînée!), me toucher aussi, on ne me touche plus, c'est lamentable.
Ce qui reste de savon: un truc brunâtre que quelques cafards s'arrachent; je laisse l'eau couler sur mon dos, au creux de mes reins et je laisse les bestioles à leur collation. J'ai en tête l'air hébété de Dounia, cette voix de baryton qui résonne en arrière-pensée (ce rire gras), puis je me rappelle un détail, insignifiant peut-être.
J'arrête la douche et je me précipite, nue, vers Dounia.
Ses viscères s'étalent en périphérie de son ventre, un sang bourgogne, presque noir, s'en déverse, et se répand à vitesse réduite et stable de part et d'autre de la victime gisante. Il lui reste, semble-t-il, un dernier souffle: «... le...».
Je me précipite à ses lèvres que j'embrasse pour leur donner une extension de vie; elle se ravive, ses yeux s'illuminent comme ceux d'un loup s'écarquillent alors qu'un véhicule utilitaire sport s'apprête à le happer.
«... le... jour...»
Ses yeux se figent, ce qui annonce son départ définitif.
Je commence à avoir froid. J'arrive trop tard.
Je détourne les yeux de son visage après avoir fermé ses paupières, mon regard se dirige vers son opulente poitrine qui montre quelques repousses de poils ici et là. Dans le soutien-gorge en dentelle noir de Doumia, quelque chose m'alerte. Un bout de page déchirée.
J'y lis Journal de Jimmy Jones, jour 2.
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Ce qui reste de savon: un truc brunâtre que quelques cafards s'arrachent; je laisse l'eau couler sur mon dos, au creux de mes reins et je laisse les bestioles à leur collation. J'ai en tête l'air hébété de Dounia, cette voix de baryton qui résonne en arrière-pensée (ce rire gras), puis je me rappelle un détail, insignifiant peut-être.
J'arrête la douche et je me précipite, nue, vers Dounia.
Ses viscères s'étalent en périphérie de son ventre, un sang bourgogne, presque noir, s'en déverse, et se répand à vitesse réduite et stable de part et d'autre de la victime gisante. Il lui reste, semble-t-il, un dernier souffle: «... le...».
Je me précipite à ses lèvres que j'embrasse pour leur donner une extension de vie; elle se ravive, ses yeux s'illuminent comme ceux d'un loup s'écarquillent alors qu'un véhicule utilitaire sport s'apprête à le happer.
«... le... jour...»
Ses yeux se figent, ce qui annonce son départ définitif.
Je commence à avoir froid. J'arrive trop tard.
Je détourne les yeux de son visage après avoir fermé ses paupières, mon regard se dirige vers son opulente poitrine qui montre quelques repousses de poils ici et là. Dans le soutien-gorge en dentelle noir de Doumia, quelque chose m'alerte. Un bout de page déchirée.
J'y lis Journal de Jimmy Jones, jour 2.
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jeudi 21 janvier 2010
Journal de Jimmy Jones, jour 1
J'essaie d'écrire les premières lignes de mon histoire, Jimmy Jones, employé modeste chez une Compagnie internationale importante inc. (C3I), entreprise que j'appelle "ma tanière" depuis que Charlie Wang m'a mis en contact avec son PDG, Sam Fox. Mais tout ce que je ressens en ce moment, c'est l'érection dans mon pantalon et l'incapacité patente, à moins d'une imagination débridée, d'y remédier décemment.
Un désir étrange m'envahit alors que je retrace mon périple depuis ce premier jour où j'en vins aux prises avec :
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Un désir étrange m'envahit alors que je retrace mon périple depuis ce premier jour où j'en vins aux prises avec :
- une secrétaire obèse et malodorante
- un technicien en informatique soul mais sympathique
- un vice-président grivois mais bon enfant
- une directrice racolleuse mais sexy pour son âge
- une lesbienne au goût d'ecstacy qui me rappelait une agente de télémarketing peu locace mais ô combien entreprenante
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dimanche 17 janvier 2010
Le représentant
Charly Wang a été officiellement élu représentant du premier arrondissement de N.D.Lay. Depuis, on le voit quadriller régulièrement l'Inside City, à bord de son vieux Ford pick up, accompagné de son associé Jimmy Jones .
Il y a une semaine, le propriétaire du White Swan a débarqué dans la vieille batisse en brique rouge de l'International Spy Foudation. Il m'a tendu sa carte et l'autorisation ad hoc.
J'ai eu un instant d'hésitation :
- Je vous croyais en froid avec Staboulov
- Ma misérable personne n'a que peu d'importance, voyez-vous. J'ai un grand projet pour mon quartier.
Il m'a demandé les clés du département "regards sur le monde". Une plaisanterie du grand manitou pour désigner la caverne d'Ali Baba pour qui voulait mater son prochain en toute impunité. Je n'ai pu m'empêcher de faire mon intéressant.
- Je vous croyais contre la videosurveillance ?
- Je vous croyais hôtesse d'accueil, m'a-t-il répondu en souriant.
Une chose est sûre, il est plus proche de Staboulov qu'il n'y parait. Cette idée ne me plait guère..
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Lire l'intégralité de l'histoire en cliquant sur N.D.Lay ou sur le blog Ma vie à N.D.Lay (journal de l'Ecrivain)
Il y a une semaine, le propriétaire du White Swan a débarqué dans la vieille batisse en brique rouge de l'International Spy Foudation. Il m'a tendu sa carte et l'autorisation ad hoc.
J'ai eu un instant d'hésitation :
- Je vous croyais en froid avec Staboulov
- Ma misérable personne n'a que peu d'importance, voyez-vous. J'ai un grand projet pour mon quartier.
Il m'a demandé les clés du département "regards sur le monde". Une plaisanterie du grand manitou pour désigner la caverne d'Ali Baba pour qui voulait mater son prochain en toute impunité. Je n'ai pu m'empêcher de faire mon intéressant.
- Je vous croyais contre la videosurveillance ?
- Je vous croyais hôtesse d'accueil, m'a-t-il répondu en souriant.
Une chose est sûre, il est plus proche de Staboulov qu'il n'y parait. Cette idée ne me plait guère..
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samedi 16 janvier 2010
Visite guidée du Nid
Le Nid, c’était la planque de Dounia. Une planque style chambre de bonne dissimulée sous les toits du Moon.
50 mètres carré. On n’y accède que par le monte-charge, que tous croient d’ailleurs condamné depuis l’incident qui laissa, en 1979, Gigi, la fille de l’ancêtre, sans jambes. Fatalité difficile à accepter pour une gamine déjà atteinte de nanisme et d’une forme rare d’excroissance labiale. Elle tiendrait désormais une maison close à N.D Lay, avec son mari, un pied-bot bègue et tyrannique.
Le Nid, une garçonnière fantôme au cœur d’un cinéma anonyme. Un véritable blanc de mémoire architectural. INVENTAIRE : Une table boiteuse, une chaise, un frigo, un lit défait. Des amas de robes insolentes, carnavalesques, léchant des fatras de boas, de sacs en faux croco et de lunettes dépareillées. Sur le sol, des perruques. Partout. Une colonie de méduses blondes, brunes, ambrées et noires avachies aux quatre coins de la pièce.
Punaisé au mur, des dizaines de photos : quelques habitués du Moon, des chats errants, des nus sous-exposés, des autoportraits flous et… une masse informe, une sorte de lapin squelettique avec, à ses pieds, une gamine. Sous tous les angles ces deux-là. Les photos semblent avoir été prises de l’unique fenêtre du Nid, dans la salle de bain. La salle de bain… me laver, trouver un truc à porter dans ce foutoir et après, m’occuper du paquet.
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50 mètres carré. On n’y accède que par le monte-charge, que tous croient d’ailleurs condamné depuis l’incident qui laissa, en 1979, Gigi, la fille de l’ancêtre, sans jambes. Fatalité difficile à accepter pour une gamine déjà atteinte de nanisme et d’une forme rare d’excroissance labiale. Elle tiendrait désormais une maison close à N.D Lay, avec son mari, un pied-bot bègue et tyrannique.
Le Nid, une garçonnière fantôme au cœur d’un cinéma anonyme. Un véritable blanc de mémoire architectural. INVENTAIRE : Une table boiteuse, une chaise, un frigo, un lit défait. Des amas de robes insolentes, carnavalesques, léchant des fatras de boas, de sacs en faux croco et de lunettes dépareillées. Sur le sol, des perruques. Partout. Une colonie de méduses blondes, brunes, ambrées et noires avachies aux quatre coins de la pièce.
Punaisé au mur, des dizaines de photos : quelques habitués du Moon, des chats errants, des nus sous-exposés, des autoportraits flous et… une masse informe, une sorte de lapin squelettique avec, à ses pieds, une gamine. Sous tous les angles ces deux-là. Les photos semblent avoir été prises de l’unique fenêtre du Nid, dans la salle de bain. La salle de bain… me laver, trouver un truc à porter dans ce foutoir et après, m’occuper du paquet.
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Un contrat
Mon boulot est simple.
Des types se présentent à n'importe quelle heure de la nuit. Ils me montrent leur carte d'accréditation et leur demande spéciale, tamponnée par le directeur en personne. Parfois, on échange quelques mots.
J'ai les clés de tous les départements de la fondation. Des petites clés Iseo City à billes réversibles. Le service de nuit se termine à six heures du matin. Les usagers des locaux doivent retourner la clé avant cet horaire. C'est dans le contrat. Parfois je fais quelques minutes supplémentaires. J'ai demandé un jour à Staboulov, pourquoi dans ce lieu bourré de gadgets en tout genre, les portes s'ouvraient encore avec des clés. Le grand Sachem m'a regardé d'un air surpris :
- Mon petit vieux, vous croyez vraiment que tous ces salamalecs servent à quelque chose. Chacun de vos visiteurs a son empreinte rétinienne dans la bécane centrale. Un coup de scanner à l'entrée de chaque département et le tour est joué. Il y a un foutu bail qu'il n'y a plus de serrures à nos portes. Vous savez, nos clients passent parfois des jours entiers sans rencontrer qui que ce soit. Vous êtes une sorte d'hôtesse d'accueil, payé pour être là et taper un peu la causette si le type le désire.
Je hochai la tête. Que je fusse payé pour ma seule présence, techniquement inutile, qu'on n'attendît de moi aucune compétence particulière , cela me rendit soudain la vie plus légère.
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Lire l'intégralité de l'histoire en cliquant sur N.D.Lay ou sur le blog Ma vie à N.D.Lay (journal de l'Ecrivain)
Des types se présentent à n'importe quelle heure de la nuit. Ils me montrent leur carte d'accréditation et leur demande spéciale, tamponnée par le directeur en personne. Parfois, on échange quelques mots.
J'ai les clés de tous les départements de la fondation. Des petites clés Iseo City à billes réversibles. Le service de nuit se termine à six heures du matin. Les usagers des locaux doivent retourner la clé avant cet horaire. C'est dans le contrat. Parfois je fais quelques minutes supplémentaires. J'ai demandé un jour à Staboulov, pourquoi dans ce lieu bourré de gadgets en tout genre, les portes s'ouvraient encore avec des clés. Le grand Sachem m'a regardé d'un air surpris :
- Mon petit vieux, vous croyez vraiment que tous ces salamalecs servent à quelque chose. Chacun de vos visiteurs a son empreinte rétinienne dans la bécane centrale. Un coup de scanner à l'entrée de chaque département et le tour est joué. Il y a un foutu bail qu'il n'y a plus de serrures à nos portes. Vous savez, nos clients passent parfois des jours entiers sans rencontrer qui que ce soit. Vous êtes une sorte d'hôtesse d'accueil, payé pour être là et taper un peu la causette si le type le désire.
Je hochai la tête. Que je fusse payé pour ma seule présence, techniquement inutile, qu'on n'attendît de moi aucune compétence particulière , cela me rendit soudain la vie plus légère.
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vendredi 15 janvier 2010
Et si la pensée aléatoire était la clé?
L’internet laisse des traces profondes dans l’apprentissage des jeunes. Les pages Web offrent une possibilité de pages et de liens sans début ni fin. Ils ont perdu l’habitude de commencer à 1 et de terminer à 30 en passant par le décompte logique. Est-ce que l’histoire électronique peut se réinventer et offrir des histoires en tenant compte de la pensée aléatoire de nos jeunes?
karine
jeudi 14 janvier 2010
2. À 90 degrés au-dessus du vide
Croisés à l'entrée, les deux valets de parking apparaissent sur le toit du Moon Palace, le fameux cinéma abandonné en plein coeur de cette ville en ruines.
À l'avant scène, la reine nègre se tient cambrée dans toute sa splendeur sur les rebords d'aluminium qui lui renvoient, dans ses fausses lunettes Armani, les éclats du Midi. Elle forme un angle à 90 degré au-dessus du vide. Les yeux des valets essoufflés semblent se figer un instant sur le derrière de son tailleur où se découpe deux jambes effilées qui, des hanches vers le bas, débouchent d'un côté sur un bottillon de l'autre sur un pied nu. L'équilibre de la reine qui cherche désespérément son homme plus bas en est pour le moins perturbé. Elle semble hésiter entre ciel et terre, comme une coureuse olympique croquée au vif. La perspective lui donne une jambe si longue que les valets en demeurent assommés.
Deux valets armés, une négresse, la morsure du soleil, le filet de sang aux lèvres de la chienne, sa chevelure hirsute dans la cendre soulevée au vent, spirales dans lesquelles se dissout l'anxiété mêlée à l'insolence du regard. Les deux malfrats s'avancent enfin, la reine se retourne, étourdie, vacille, elle s'écroule dans le gravier.
"Lève la tête, Boris, enfant de chienne". La main dans son blouson tape à la vitesse-éclair les mots incendiaires. Trouver le bouton d'envoi. C'est parti.
Le plus gros des valets la coince entre ses paumes, la relève. Tout en tâtant ses courbes. L'autre se colle en se frottant par derrière. Il la tient en respect avec son Beretta M9. Ils rient.
- Comme ça tu traînes avec un blanc-bec.
- Pauvre con! Avise-toi pas de me toucher, mec. Je connais ton patron, siffle t-elle.
Elle se laisse fouiller, bonne joueuse, ferme les yeux. Un sourire amer fend son visage en deux.
Plus bas, cette forme inhumaine affublée d'un costume de lapin. Les grandes oreilles retombent le long de son costume aux proportions squelettiques. On dirait un lapin dégarni par la chaleur. À ses pieds, une petite môme à la chevelure incendiée.
Qu'est-ce qu'y fout dans ces frocs? Ça ne peut qu'être lui... Et si c'était un des valets déguisé? Qu'est-ce qu'ils ont fait de Boris, alors? Impossible de savoir. Et la petite qui reste bêtement assise à ses pieds. Garde partagée à la con. J'aurais jamais dû accepter.
Des nuages noirs recouvrent le cinéma. Les deux valets poussent la reine vers la sortie. Des rires fusent.
Derrière eux, un portable dans le gravier. Et plus bas, un lapin qui s'apprête à se faire tremper.
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Pour l'histoire complète de Boris Platine, visitez son blogue ou lisez toute l'histoire sur Kaosopolis.
À l'avant scène, la reine nègre se tient cambrée dans toute sa splendeur sur les rebords d'aluminium qui lui renvoient, dans ses fausses lunettes Armani, les éclats du Midi. Elle forme un angle à 90 degré au-dessus du vide. Les yeux des valets essoufflés semblent se figer un instant sur le derrière de son tailleur où se découpe deux jambes effilées qui, des hanches vers le bas, débouchent d'un côté sur un bottillon de l'autre sur un pied nu. L'équilibre de la reine qui cherche désespérément son homme plus bas en est pour le moins perturbé. Elle semble hésiter entre ciel et terre, comme une coureuse olympique croquée au vif. La perspective lui donne une jambe si longue que les valets en demeurent assommés.
Deux valets armés, une négresse, la morsure du soleil, le filet de sang aux lèvres de la chienne, sa chevelure hirsute dans la cendre soulevée au vent, spirales dans lesquelles se dissout l'anxiété mêlée à l'insolence du regard. Les deux malfrats s'avancent enfin, la reine se retourne, étourdie, vacille, elle s'écroule dans le gravier.
"Lève la tête, Boris, enfant de chienne". La main dans son blouson tape à la vitesse-éclair les mots incendiaires. Trouver le bouton d'envoi. C'est parti.
Le plus gros des valets la coince entre ses paumes, la relève. Tout en tâtant ses courbes. L'autre se colle en se frottant par derrière. Il la tient en respect avec son Beretta M9. Ils rient.
- Comme ça tu traînes avec un blanc-bec.
- Pauvre con! Avise-toi pas de me toucher, mec. Je connais ton patron, siffle t-elle.
Elle se laisse fouiller, bonne joueuse, ferme les yeux. Un sourire amer fend son visage en deux.
Plus bas, cette forme inhumaine affublée d'un costume de lapin. Les grandes oreilles retombent le long de son costume aux proportions squelettiques. On dirait un lapin dégarni par la chaleur. À ses pieds, une petite môme à la chevelure incendiée.
Qu'est-ce qu'y fout dans ces frocs? Ça ne peut qu'être lui... Et si c'était un des valets déguisé? Qu'est-ce qu'ils ont fait de Boris, alors? Impossible de savoir. Et la petite qui reste bêtement assise à ses pieds. Garde partagée à la con. J'aurais jamais dû accepter.
Des nuages noirs recouvrent le cinéma. Les deux valets poussent la reine vers la sortie. Des rires fusent.
Derrière eux, un portable dans le gravier. Et plus bas, un lapin qui s'apprête à se faire tremper.
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Pour l'histoire complète de Boris Platine, visitez son blogue ou lisez toute l'histoire sur Kaosopolis.
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